Un tireur d'élite tire sa révérence

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En cette fin de semaine après la fête de l’Aïd EL Kébir, des dizaines de personnes avaient tenu à accompagner, à sa dernière demeure, le Moudjahid Abbas Arezki.

En effet, ce qui avait frappé tout ceux qui avaient fait le déplacement jusqu’à son humble demeure à Imazgharène, hameau situé à 7 kilomètres de Frikat, est le fait que cet homme n’a jamais profité de sa qualité d’ancien Moudjahid refusant tous les privilèges accordés à ses anciens camarades de lutte.

A voir la situation où avait vécu le défunt, il est très facile de reconstituer son enfance et une partie de sa jeunesse, tant le décor est quasi misérable entre deux pans abrupts de montagnes où les oliviers couvrent toute la superficie. Aussi, ce n’est qu’à son incorporation forcée au service militaire qu’il devait quitter ce coin perdu pour découvrir d’autres cieux. Cette opportunité le conduira en Allemagne. La révolution était en pleine préparation et c’est à Baden Baden qu’il apprendra son déclenchement. A la fin de son service militaire, il rejoindra naturellement son hameau qui était plongé dans la guerre, puisque les militaires français avaient déjà installé leurs camps. « Aami Arezki, personne ne vous le dira puisqu’il n’évoquait jamais son passé avait été engagé avant de rejoindre le maquis en 1956 dans la grade de Caïd B, sa demeure était à proximité de l’école. Il n’était pas armé contrairement aux harkis et des quelques soldats français », nous déclare Aami Moh, son beau fils, qui tiendra également à ajouter que personne ne pourra dire depuis quand le défunt avait été contacté par les moudjahiddines pour travailler avec eux, jusqu’à cette fatidique nuit où en compagnie de ses trois camarades, ils égorgèrent trois harkis et prirent leurs armes rejoignant le maquis ». La suite, nous la devons à Aami Rabah, qui sera son inséparable compagnon de lutte au maquis : « Abbas était arrivé au maquis à la fin de l’année 1956. Il avait rejoint notre groupe, qui deviendra en 1957 la compagnie de la région 2 sous le commandement de l’adjudant Hamraoui Akli dit Cheb Cheb, un ancien de la guerre d’Indochine. Abbas a été désigné pour rejoindre la section feu de Kari Smail (toujours en vie) ». Notre interlocuteur enchaînera sur les différentes embuscades et batailles contre la soldatesque française où le défunt se surpassera au combat. « Quelques jours après l’arrivée de Abbas au maquis, il participera pour la première fois à l’embuscade N°9. Elle s’était déroulée à Sidi Ali Bounab. La bataille fut très rude. Nous dûmes tous nous rendre compte que la nouvelle recrue était d’un autre calibre, car pour sa première opération, il en fut le héros puisqu’il revint à la base avec un fusil mitrailleur 24/29 que les civils appelaient « Mu ikajarène » (le fusil aux deux pieds). Abbas l’avait récupéré de son serveur tué à l’aide d’une longue perche qu’il avait découpée et l’avait tirée jusqu’à lui alors que le combat faisait rage. Ainsi, Abbas garda son butin et devint le tireur de pièce qui lui confère une place privilégiée et un certain standing. Par ailleurs, Abbas était non seulement très adroit au tir, mais ne gaspillait jamais inutilement ses munitions. Il tirait avec son fusil mitrailleur au coup par coup, ce qui n’était pas à la portée de n’importe qui et, de plus, il était vraiment un tireur d’élite, grâce peut-être à son service militaire passé dans l’armée française.

Pour les autres embuscades, Aami Rabah nous citera celle de Azoua près de Timezrit, Bouaita (M’Kira), Ichoukrène (Draa El Mizan) et Tarikt (Ait Yahia Moussa) où deux avions furent abattus par le Chahid Belhadid Ali dit « Sportif » et, bien sûr, la grande bataille dite du « 6 janvier 1959 » à Ait Yahia Moussa, où 384 martyrs tombèrent au champ d’honneur », nous raconte Aami Rabah, d’une voix pleine d’émotion en évoquant tous ces souvenirs. A la fin 1959, Abbas Arezki sera muté à la région I, composée entre autres de la localité de Frikat.

Il fera partie du groupe commandos de Frikat jusqu’à l’indépendance. Feu Abbas Arezki ne demandera sa reconnaissance, en tant que membre de l’ALN, sur insistance de ses compagnons de guerre, qu’à partir de 1983, à son retour de France qu’il rejoignit dès 1963, mais ne sera ni militant du parti unique, ni membre de l’ONM. « Aami Rezki était la vraie bête noire des faux moudjahiddines.

Il n’a jamais signé une reconnaissance à celui qui n’était pas à ses côtés au combat ». Ainsi, en ce début du mois de novembre, un autre moudjahid s’en va, emportant avec lui des secrets sur une révolution qui a été une grande leçon pour le monde entier.

Amar Ouramdane

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