Les pluies saisonnières tombées ces derniers temps, au-delà des quelques dégâts minimes causés dans des villes qui n’avaient pas nettoyé les avaloirs bouchés par les détritus de tout genre durant la saison estivale sont, il faut le bien dire bénéfiques à plus d’un titre.
Tout d’abord, elles permettent la régénération de l’eau des nappes phréatiques indispensable pour les humains. Elles ont aussi libéré de leur angoisse des agriculteurs qui les attendaient depuis belle lurette pour lancer la campagne labour-semailles, car il est grand temps. «La terre est aride après les trois mois des grandes chaleurs de la saison estivale où aucune goutte n’est tombée du ciel. Donc, on est obligés d’attendre que la terre soit humide après la tombée des premières pluies pour entamer les labours sans risques de bousiller le matériel. J’ai tout mis en œuvre et tout préparé pour entamer la campagne labour-semailles car juste après, arrivera celle des olives qui pointe déjà du museau, avec des olives noircies qui ne demandent qu’à être cueillies», a expliqué un agriculteur qui a déjà donné le premier sillon en guise de lancement de la campagne. Questionné sur les raisons du déclin significatif des cultures céréalières en Kabylie, il a expliqué : «Le changement est perceptible dans tous les domaines chez la société kabyle. Avant, la terre était nourricière pour toutes les familles. Chacune a ses champs, son bétail, etc. Le bétail donnait du lait, de la viande, de la laine pour le tissage des burnous et couvertures, des poils pour la fabrication des cordes et bien évidemment, du fumier indispensable pour les cultures et les rendements élevées des productions. Rares sont ceux qui ne possédaient pas leur propre paire de bœufs. Celui qui ne pouvait pas se permettre une paire se contente d’un seul bœuf qu’il associe à un bœuf d’un autre agriculteur pour former une paire. Donc, dès que les grandes chaleurs commençaient à s’atténuer le fumier était sorti des écuries pour être étalé sur des parcelles à cultiver. Une fois séché il serait répandu sur toute la surface à emblaver». Il continue en expliquant que dès les premières pluies, les fellahs annonçaient l’entame de la campagne avec un repas spécial, genre mesfouf, fait sur la base de couscous mélangé à des grains de grenade. Le repas est servi dans des assiettes sur la place publique pour que tous les villageois puissent y prendre part. «Dans les champs, vous verrez partout des fellahs, chacun labourant le sien. Si la pluviosité n’est pas importante en hiver et au printemps pour le développement des cultures, on recourait à l’irrigation avec les eaux des sources et des rivières. Une fois la récolte engrangée, elle serait mise dans de grands récipients en terre (Akoufi) pour qu’elle soit consommée le long de l’année. Toutefois, les semences étaient conservées à part. Aujourd’hui, les agriculteurs achètent tous les facteurs de production. Semence, engrais, produits phytosanitaires et les labours sont effectués par les prestataires de services (propriétaires de tracteurs et de bœufs) payés à 3 000 dinars la journée. Il va gagner quoi en engageant tous ces frais ?», ajoute-t-il. Pour l’abandon du travail de la terre, l’immigration et les emplois à l’usine et dans les administrations en sont à l’origine. Les gens sont constamment à la recherche du gain facile, soit une rentrée d’argent chaque mois sans se casser trop la tête.
L. B.