Menace sur les cultures arboricoles !

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La Direction de la conservation des forêts de la wilaya de Tizi-Ouzou et le Parc National du Djurdjura sont interpellés face à l’ampleur des dégâts occasionnés par le singe magot et surtout aux risques qu’il fait encourir même à la vie des citoyens.

Le problème du singe magot, devenu aujourd’hui un fléau qui menace, non seulement l’arboriculture de montagne et les cultures maraîchères, mais aussi la sécurité des habitants des villages, ne cesse de susciter la mobilisation, de plus en plus large, de comités de villages à travers les daïras de Beni Yenni, Ouacifs et même Aïn El Hammam, dont les populations ne cessent, depuis plus de deux décennies, de se plaindre des méfaits et des ravages que leur fait subir cette espèce de macaques dont la prolifération se propage d’une manière effrénée et envahissante. Si, par le passé ces populations ont eu à pâtir «seulement» des dégâts que faisaient subir ces singes à leurs plantations d’arbres fruitiers, aujourd’hui, cet animal est arrivé jusqu’aux pas des portes et sur les toits des habitations des villages qu’il envahit en mettant la vie des citoyens en danger.

D’espèce menacée à… menaçante !

C’est ce qui se passe particulièrement au village Tala n’Tazart, dans la commune Iboudrarène, où sont signalés, maintes fois, des actes agressifs de ces singes qui «attaquent, par jets de pierres ou de tuiles, toute personne qui tenterait de les chasser du toit de sa maison», comme cela a été le cas, la semaine dernière, quand une vielle femme, accompagnée de son neveu, a fait l’objet d’une attaque dangereuse d’un singe qui a fait tomber sur son passage une grosse pierre du toit d’une habitation. «La légitimité dont bénéficiait jusque là le singe magot, du fait qu’il soit une espèce spécifique à la région et protégée par la loi, n’est plus d’actualité maintenant que cette espèce s’attaque à des citoyens mettant leur vie en danger», a déclaré le responsable du secteur de Ouacifs du Parc National du Djurdjura, qui a lui-même fait le constat des dégâts et des menaces sur la vie des citoyens qu’engendre le singe magot, photos et vidéos à l’appui.

Les singes ont pris possession du château d’eau à Bouadnane…

Au village de Bouadnane, toujours dans la commune Iboudrarène, les singes magot ont pris possession du château d’eau, mettant en danger les citoyens par une éventuelle épidémie pouvant se déclarer par la consommation de l’eau que ces envahisseurs pourraient polluer. «Nous avons toujours subi les descentes de ces singes dans nos champs, mais il suffit qu’ils voient ou qu’ils sentent une présence humaine pour fuir. Aujourd’hui, ils n’ont même pas peur, ils sont tellement nombreux qu’ils ne reculent devant rien ni personne», nous a affirmé un citoyen du village Tala n’Tazart. Devant l’ampleur des dégâts causés par le singe magot et son invasion de plus en plus menaçante, des actions et des initiatives ont été prises, aussi bien par les comités des villages que par les responsables locaux et les associations avivant écologistes, comme celle d’Iboudrarène ou du village Aït Ouabane, dans la commune d’Akbil, pour attirer l’attention des responsables sur ce fléau qui menace et la nature et les citoyens. Des rencontres, de consultation et de concertation, ont été organisées au siège de l’APC d’Iboudrarène où des représentants des villages, venus d’Aït Toudert, Ouacifs, Aït Boumahdi, Akbil, Yatafene et Iboudrarène, se sont constitués en coordination pour « peser de tout notre poids afin de convaincre les responsables de la direction des forêts et du PND de trouver une solution urgente à ce fléau et au problème du singe magot». Au mois de juin dernier, l’association pour l’environnement d’Iboudrarène avait adressé une lettre au wali de Tizi-Ouzou, l’interpellant sur la nécessité et l’urgence de prendre des mesures pour «protéger» les paisibles citoyens de ces localités situées à la périphérie du Parc National du Djurdjura, «livrés à eux-mêmes et assistant, la mort dans l’âme, à la dégradation continue de leur cadre de vie depuis notamment le début de la décennie 1990». Et si depuis plus de vingt ans, les populations de ces régions montagneuses ont subi l’invasion de cette espèce de singe endémique sur leurs terres, aujourd’hui, la situation est encore plus grave parce que «ces primates s’invitent dans les foyers et constituent, de ce fait, une menace réelle pour les vies humaines», car, poursuivait la lettre des écologistes d’Iboudrarène, ces singes «détruisent tout sur leur passage (toitures des maisons, câbles électriques et téléphoniques…) et font même tomber de grosses pierres des toits des maisons».

Le SOS de la population locale.

Cependant, la mobilisation des comités de villages, du mouvement associatif et des autorités municipales des régions menacées par ce primate n’a pas encore porté ses fruits, puisque aucune initiative sérieuse, susceptible d’apporter une lueur d’espoir aux populations victimes des méfaits du singe magot, n’est entreprise par l’administration en charge du dossier. La direction de la conservation des forêts de la wilaya de Tizi-Ouzou et le Parc National du Djurdjura, sont à chaque fois interpellés et pointés du doigt par les citoyens pour «l’indifférence et la passivité de ces organisme à réagir devant l’ampleur des dégâts occasionnés par ce singe et les risques qu’il fait encourir à la vie des citoyens», ont crié unanimement les représentants des comités de villages, lors de leur dernier conclave tenu, vendredi dernier à Iboudrarène. Et Pour faire entendre leur cause, les présents à cette rencontre où étaient représentées les daïras de Ouacifs, Beni Yenni et Aïn El Hammam, ont convenu d’adresser une lettre ouverte au Président de la République pour le solliciter de « prêter assistance à des populations en danger ».

Notons que ce n’est pas la première fois que les habitants des communes montagneuses, notamment à Ouacifs, Yatafene et Iboudrarène, ont haussé le ton pour attirer l’attention sur ce phénomène du singe magot qui a envahit la Kabylie. Plus de 17 communes sont aujourd’hui menacées par ce macaque, selon les services de la wilaya de Tizi-Ouzou. La Direction du PND a engagé comme première solution, un bureau d’études, dont le travail consiste au recensement de la population du singe magot, à la description de ses «domaines vitaux» et de ses régimes alimentaires et, enfin, à s’entretenir et communiquer avec les riverains. Les travaux de ce bureau sont en cours, selon les propos que nous a tenus M. Haroun Moussa, P/APC d’Aït Boumahdi, dont la commune abrite actuellement le siège du Parc National du Djurdjura.

Menacée, par le passé et protégée par la loi, depuis les années 2000, cette espèce de singe endémique des régions du Djurdjura et de l’Atlas marocain, est devenue, aujourd’hui, menaçante pour la vie des être humains et est même à l’origine de la disparition de plusieurs espèces d’oiseaux dont ils saccagent les nids et les œufs, selon le document de l’AE d’Iboudrarène, transmis au wali de Tizi-Ouzou. Et c’est dans le but de faire «bouger» les services de l’administration des forêts et du PND, pointés du doigt pour «non assistance à personnes en danger, qui provoque la colère et l’exacerbation des citoyens», que l’association de l’environnement d’Iboudrarène, les comités de villages et les responsables locaux, font à chaque fois du bruit. Lors de la réunion de travail, tenue le 03 novembre dernier au siège de la wilaya entre l’exécutif de wilaya et les autorités locales de la daïra de Beni Yenni, sous la conduite du premier magistrat de la wilaya de Tizi-Ouzou, ce problème du singe magot a été exposé par les élus d’Iboudrarène pour sensibiliser les responsables sur ce fléau qui menace l’arboriculture et la santé publique, avant que «les citoyens ne viennent à recourir à d’autres formes de protestation, si des solutions adéquates ne sont pas trouvées dans les meilleurs délais», car en définitive, «planter un arbre sans le protéger est une illusion», comme l’a souligné le président du comité du village Aït Ouabane de la commune d’Akbil.

Nassim Zarouki

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