Mobilisation autour de la famille

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“Ils étaient au carrefour, en bas, vers 7h30mn. Les terroristes avaient bloqué un premier véhicule qui était devant. Ils étaient quatre, nous a raconté sa femme. Ils étaient, bien sûr, armés. Ils agissaient à visages découverts et étaient habillés en tenues militaires visiblement anciennes.”

En partant de Tizi-Ouzou, sur la route de Beni Douala, un peu plus haut que le barrage militaire qui officie au niveau de l’unique pompe à essence sur ce tronçon, Tala Bounane est juste à quelques encablures. Après la première intersection qui vous permet de prendre à gauche pour rejoindre la route de Takhoukht qui traverse la localité de Tabarkoukt, une autre bifurcation, à gauche, vous mène tout droit vers le domicile de la victime, le cardiologue enlevé avant-hier, à cette croisée des chemins. La route est sinueuse et rétrécie par la végétation qui déborde des deux côtés. Le ciel, recouvert par les nuages, est à peine visible. La lumière du jour est très contrastée. Le chemin éveille la trouille. Les virages se succèdent, la vue se réduit. Et, fatalement, il y a cette impression d’un danger pesant. La demeure de la victime n’est pas loin. A peine deux ou trois kilomètre devant. Sur place, des villageois, des amis, mais aussi des anonymes, viennent s’enquérir de la situation. Il faut dire que la nouvelle du rapt du docteur a vite fait le tour de la région et même au-delà. C’est plutôt le silence plat parmi les présents. L’atmosphère est pesante. Chacun évoque, intérieurement, des prières dans son coin. Pour l’heure, «rien de nouveau». «C’est les moments les plus difficiles. L’attente dans une angoisse grandissante au fil des minutes qui passent ». L’incertitude en rajoute à l’impatience des proches… L’un des frères de la victime reste, pour autant, assez lucide. «Que voulez-vous que je vous dise. On attend d’où nous viendra un signe réconfortant. Pour le moment on est réduit à ça», devait-il nous confier, avant de revenir sur les circonstances de l’enlèvement. «Comme chaque matin, il s’est levé et il a pris la route, avec sa femme et ses enfants. Ils étaient au carrefour, en bas, vers 7h30mn. Les terroristes avaient bloqué un premier véhicule qui était devant. Ils étaient quatre, nous a raconté sa femme. Ils étaient, bien sûr, armés. Ils agissaient à visages découverts et étaient habillés en tenues militaires visiblement anciennes. Ils ont d’abord procédé aux vérifications de l’identité des passagers du premier véhicule avant de les laisser passer. Puis, ils sont venus vers la voiture de mon frère. C’est là qu’ils feront descendre sa femme et les enfants du véhicule. Par la suite, ils l’ont mis au milieu, à l’arrière de la voiture, avant de s’en fuir. Ils ont fait demi-tour et sont repassés devant la maison pour prendre la route qui monte. D’ailleurs, c’est moi qui aie retrouvé la voiture plus tard, pas loin d’ici.» Une évidence, le groupe a certainement changé de véhicule avant de prendre sa destination finale. Depuis, point de nouveau, si ce n’est qu’une plainte a été déposée par la famille. «Le maire est venu nous voir par deux fois, hier et aujourd’hui », raconte notre interlocuteur au sujet des nombreuses marques de sympathie qui ont été jusque là adressées à la famille. «Non ! Pas d’autres officiels, juste le maire». Voilà une réponse qui laisse deviner facilement la question. Côté villageois, une fois l’effet surprise passé la tendance est à la mobilisation. On croit savoir que des tractations sont déjà en cours pour mettre sur pied une cellule d’urgence ou un comité de suivi. «Pour le moment c’est tout le monde qui discute, mais il n’ y a pas encore eu de rencontre dans ce cadre. En tous les cas, si ça se fait, ça serait à l’initiative du comité du village». Une autre voix abonde dans le même sens, «c’est vrai qu’on est face au vide, mais c’est sûr qu’on ne restera pas les bras croisés». En attendant, de nombreux visiteurs continuent d’affluer chez la famille de la victime qui reste suspendue au moindre signe. Chaque sonnerie de téléphone fait sursauter tout le monde… Tout autour, les spéculations sur le mobile du rapt sont divers. La première version est d’ordre matérielle, c’est clair, «si on kidnappe, c’est pour réclamer une rançon». Mais voilà que le statut de la victime laisse supposer un autre dessein. Etant médecin spécialiste, certains se laissent à penser que « les ravisseurs auraient, peut-être, besoin d’un médecin pour soigner l’un des leurs ne pouvant quitter sa tanière…». C’est du moins ce qui se dit. La famille, elle, attend toujours et espère un retour, sain et sauf, du docteur.

S. Benedine

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