Par Abdennour Abdesselam:
Rencontré en marge de l’hommage mérité rendu à Djamal Chir par la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, Hesnawi Amectuh nous révèle la sortie de son nouvel album. Après une écoute particulière, nous retenons que la thématique traitée, même variée, s’oriente sur l’observation d’un constat qui sort des genres globalement faisant dans la routine et la réécoute qui ont envahi la textuelle de la chanson kabyle et l’ont du coup quelque peu appauvrie. Deux textes-chansons ont été réservés aux hommages rendus l’un pour le grand maître Chikh Ahesnaw et le second dédié à Matoub Loues. Pour Chikh Ahesnaw, il s’agit d’un témoignage soutenu par une vénération à la taille de la valeur du maître parti au bout d’une longue carrière entamée dans les années 30. Une carrière qui demeure encore plus vive que jamais et qui mobilise chaque génération. Pour un tel fait il eut fallu qu’en Chikh Ahesnaw réside le reflet d’un savoir encore non égalé et qui continue de satisfaire les attentes. Matoub Lounes, assassiné avec la complicité des siens déclame ainsi et également Hesnawi Amectuh, eut droit lui aussi à une affirmation de ce qu’il a été plus qu’un artiste chanteur mais la voix qui renvoie l’écho des colères, des revendications, des dénonciations d’un système qui semble indétrônable. A travers la mort de Matoub, Hesnawi Amectuh, plus que de se saisir d’un prétexte, traite plutôt, et sur un plan plus général, de toute cette chaîne et cette cascade des événements similaires qui se sont déroulés sur la terre amazigh et qui ont vu de grandes figures historiques tomber sous les coups de la lâcheté et de la trahison interne à l’image de Jugurtha qui a été donné à ses ennemis par son propre beau père Bokus, ou encore Abane Ramdane lui aussi trahi par ses frères de combat du premier degré. Dans un autre texte de l’album, Hesnawi Amectuh met à nu cette gangrène d’opportunisme qui ne cesse d’empoisonner la société kabyle, devenue une proie facile face aux intérêts bassement matériels. Cette triste réalité peinte par l’artiste est comme une douche froide dont il sera difficile de se réveiller. Cette décadence, qui s’accompagne d’une descente aux enfers vertigineuse d’une société jadis connue comme modèle des vertus humaines, est le résultat de l’amateurisme politique manipulé par d’irresponsables acteurs de la région. L’histoire les fera asseoir tôt ou tard sur les bancs des accusés qu’elle condamne déjà par avance. Toute l’œuvre dernière de Hesnawi Amectuh est une contemplation qui étale un constat lamentable, mais qui pourrait servir de déclic à l’émergence d’une alternative plutôt heureuse, très attendue en tout cas.
Abdennour Abdesselam (kocilnour@yahoo.fr)
