Après tant d’effort dans l’entreprise d’amélioration du code des marchés publics, le constat qui s’impose est qu’il y a quelque part une sorte de dilemme qui fait que lorsque le texte est trop souple, il ouvre la voie vers toutes sortes de manipulation, et que lorsqu’il développe un jeu serré ce sont les projets et les programmes d’investissements publics qui sont pénalisés par les infructuosités successives qui grèvent les procédures de passation de marchés
Une année à peine après son entrée en vigueur, le nouveau code des marchés promulgué en octobre 2010 commence à susciter des réactions où les acteurs appelés à l’appliquer sur le terrain de la commande publique, à savoir les maîtres de l’ouvrage, expriment leur inquiétude quant aux cas de non aboutissement des procédures qu’ils ont engagées dans le cadre des programmes d’équipement.
Ces réactions sont d’autant plus légitimes que les programmes en question s’inscrivent dans le plan d’investissements publics 2010-2014.
Des risques de retard dans l’exécution des projets sont signalés un peu partout au sein des secteurs de l’administration eu égard aux nouvelles dispositions de contractualisation. Visiblement, le jeu des soumissions lors du lancement des appels d’offre nationaux ou internationaux, y compris les simples consultations, a pris un caractère trop serré amenant la procédure engagée à des infructuosités récurrentes.
En considérant l’évolution continue de l’économie nationale au cours de la dernière décennie (investissements publics historiques dans les infrastructures, ouverture sur des partenaires étrangers, lancement des études devant précéder toute réalisation de projet, diversification et accroissement des marchés de fournitures), l’adaptation des textes législatifs inhérents aux marchés publics s’est imposée comme un impératif incontournable.
La recherche d’une voie idéale vers les meilleurs outils réglementaires devant régir la commande publique a fait que, en l’espace de huit ans, le code des marchés publics algériens a subi trois amendements. Le décret présidentiel de juillet 2002 a été amendé et complété par un décret en septembre 2003.
En octobre 2008, le texte a fait l’objet d’un autre amendement portant sur certains détails mineurs, à l’exemple de la caution de soumission supprimée pour certains marchés. En octobre 2010, une révision intégrale contenue dans le décret présidentiel n°10-236 du 7 octobre 2010 abroge de facto le code de 2002 pour lui substituer un nouveau code.
L’une des principales dispositions répondant à certains soucis du gouvernement dans son programme de relance de l’outil national de production et de réalisation est celle inhérente à ce qui est appelé » préférence nationale « , procédure par laquelle les entreprises publiques peuvent bénéficier d’un privilège d’octroi de marchés publics à concurrence de 25 % des volumes contenus dans les appels d’offres internationaux. En plus, l’avis d’appel d’offres international ne devrait être lancé que si les prestations ou les fournitures ciblées par la commande publique ne peuvent pas être réalisées ou fournies par les capacités nationales.
Ce sont les gestionnaires des entreprises publiques et les le patronat privé qui avaient sollicité le gouvernement pour une telle alternative au vu de la situation pénalisante qui fait que les entreprisses étrangères ont eu souvent la part du lion dans les grands programmes d’équipement lancés par les pouvoirs publics (autoroute, barrages hydrauliques, chemins de fer,…).
Le but visé est que l’entreprise algérienne, publique et privée, puisse accéder à la commande publique loin de la concurrence déloyale que les entreprises étrangères ont tendance à imposer dans le jeu des marchés publics.
Les intervenants dans la procédure de passation des marchés publics- à savoir l’administration maître de l’ouvrage, les partenaires du maître de l’ouvrage (soumissionnaires pour travaux, fournitures ou études), les bureaux d’études chargés du suivi,…- n’ont pas cessé de se plaindre d’une législation dépassée par les événements et qui est à l’origine de multiples tracasseries aussi bien dans la procédure d’évaluation des offres et de la sécurisation des contrats établis que dans la manière d’éviter les soupçons de subjectivité et surtout de corruption qui pèsent généralement sur ce genre de procédures.
En effet, la majorité des actes de corruption qui ont atterri au niveau des tribunaux ou qui restent en état de latence pour manque de preuve ont pour origine la mise en œuvre de la commande publique (travaux, études ou fournitures) par un maître de l’ouvrage en usant des procédures connues des marchés publiques. Aucun texte n’a acquis la perfection qui le situerait au-dessus des tentatives de manipulations de la part du maître de l’ouvrage.
Ces manipulations sont destinées à favoriser un soumissionnaire au détriment des autres contre une commission que l’agent corrompu percevra perçoit avant ou après la conclusion du marché.
En outre, d’autres formes de concussions sont réalisées dans le système de facturation des achats par les agents de l’Etat représentant des administrations ou des instituions publiques (universités, collèges d’enseignement, directions de wilaya, APC,…).
Le jeu consiste dans un système de surfacturation- dont l’excédent est partagé entre l’acheteur et le vendeur)- ou de mauvaise qualité des fournitures facturées sur la base du premier choix en la matière. Les ‘’dividendes’’ se partagent de la même façon que pour la surfacturation classique.
Il arrive même que la marchandise visée dans le bon de commande et la facture ne soit pas celle fournie.
Après tant d’effort dans l’entreprise d’amélioration du code des marchés publics, le constat qui s’impose est qu’il y a quelque part une sorte de dilemme qui fait que lorsque le texte est trop souple, il ouvre la voie vers toutes sortes de manipulation, et que lorsqu’il développe un jeu serré ce sont les projets et les programmes d’investissements publics qui sont pénalisés par les infructuosités successives qui grèvent les procédures de passation de marchés.
Le gouvernement pourra-t-il trouver un juste milieu où toutes les parties trouveraient leur compte ?
Amar Naït Messaoud