“Le cap de l’économie libérale est irréversible”

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Le Point : Certains Algériens n’ont pas voté, refusant l’amnistie des meurtriers.llAhmed Ouyahia : Le président n’a jamais parlé d’amnistie générale. Ceux qui sont reconnus coupables de massacres collectifs sont exclus du pardon. La charte prévoit qu’une loi va instaurer un mécanisme pour les redditions : les services de sécurité remettront ceux qui se rendront à une juridiction. Mais les islamistes partis à l’étranger en 1992, et qui n’ont donc pas commis de crime de sang, doivent être amnistiés. Parmi les dizaines de milliers qui ont été jugés et condamnés, certains seront graciés ; d’autres verront leur peine commuée. Il y avait 21 000 personnes dans le maquis en 1994-1995, il en reste un millier.L’Algérie n’a jamais été aussi riche. Est-ce un avantage ou un handicap pour faire des réformes ?ll Le cap de l’économie libérale est irréversible. Nous avons signé un accord avec l’Union européenne et allons entrer dans l’OMC. L’ouverture économique avec l’Europe dans sa partie non agricole est bénéfique pour l’Algérie, malgré un passage douloureux qui risque de nous faire perdre 500 000 emplois. Le plus difficile sera quand nous arriverons à l’abolition des droits de douane dans l’agriculture.On vous reproche de ne pas profiter de la manne pétrolière, pour développer rapidement le pays.ll Notre premier souci est de ne pas nous endetter, mais nous ne gérons pas chichement. L’Etat va investir 55 milliards de dollars, plus 5 milliards pour le Sud et les hauts plateaux, d’ici à 2009. Ce n’est pas une politique d’Harpagon. Mais nous gardons l’oeil sur le tableau de bord, car la situation est factice. En 2004, nous avons vendu, hors hydrocarbures, pour 780 millions de dollars et avons importé pour 18 milliards. Si le cours du pétrole s’effondre et que dans trente ans nous n’en avons plus, ce sera l’Ethiopie ! D’où notre volonté à soutenir l’agriculture et l’industrie. Mais exporter 10 milliards de dollars hors hydrocarbures va nous demander dix ans.Le traité d’amitié et de coopération franco-algérien est-il pour bientôt ?ll Nous désirons cet accord et la turpitude de la loi votée le 23 février [consacrant l’aspect bénéfique du colonialisme] ne s’inscrit pas dans le sens de ce que voulaient les deux pouvoirs exécutifs. Nos rapports avec la France sont des meilleurs. La France souhaite un traité dans le même esprit que le traité signé avec l’Allemagne.L’Algérie pense que, pour passer à une étape supérieure, il faut tourner la page du passé. Il existe entre nous suffisamment d’intelligence politique et de savoir-faire diplomatique pour trouver une solution. Le colonialisme est un fléau mondial qui a laissé des lézardes profondes. Et Chirac a dit des choses à Madagascar sur les événements de 1947. Nous n’avons pas le désir de gêner les autorités françaises, mais il faut admettre le passé, et il y aura du côté algérien une réponse digne.

Propos recueillis parMireille Duteil.

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