«Ce siècle sera celui des écrivains en tamazight»

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«Tatabatata», est le titre d’un recueil de nouvelles de Mohamed Arab Aït Kaci. Riche en couleurs, M. Aïit Kaci s’est adonné à un jeu littéraire des plus subtiles. Il évoque l’amour, les étudiants, la mort, la prostitution et plein d’autres sujets. Il évoque dans cet entretien le monde de la littérature amazighe, ses défis, ses obstacles et son avenir, qu’il décrit avec optimisme.

La Dépêche de Kabylie : Vous venez de publier un recueil de nouvelles intitulé «Tatabatata», chez les éditions Mehdi. Pouvez-vous donner à nos lecteurs un bref aperçu sur les sujets traités ?

Mohamed Arab Ait Kaci : C’est des nouvelles qui ont été écrites, il y a bien longtemps. Elles parlent en général de la vie et des gens qui la vivent. Un peu d’amour, un peu de haine, beaucoup d’incompréhension et des défis.

Vous avez apporté un nouveau style dans le monde littéraire amazigh, consistant à écrire simple, direct et parfois humoristique, est-ce une rupture avec les différents écrits publiés auparavant par d’autres écrivains ?

Aucun écrivain ne peut se targuer d’être la « rupture », car on est vraiment le produit de ce qui a été avant. La littérature est comme une baguette de barbe à papa, elle tourne en rond en se remplissant de plus en plus. On ne peut pas imaginer un Camus absurde sans un Dostoïevski nerveux et épileptique et un Nietzsche demi-fou, demi génie, ou un Kateb Yacine sans Faulkner et Joyce. Et même un Ait Menguellet ne peut exister sans les Baudelaire et autres Slimane Azem. Les influences sont multiples pour chaque auteur et la vie qu’il va mener lui donnera une sorte de nuance à ce qu’il va écrire, sinon c’est le même refrain poétique qui revient de Shakespeare à Nezzar Kebani. Chacun essaye de le traduire à sa manière et dans sa langue. Et c’est ce que j’essaye de faire en tamazight. Aussi, pour notre cas, ou notre langue n’a presque jamais été écrite avant le siècle dernier, on avait besoin d’un choc psychologique pour passer à l’écrit et ce choc était un Mouloud Mammeri besogneux et amoureux et un génial Muhya et des dizaines de rêveurs comme Aliche, Mezdad, Ben Mohamed, Ait Ighil …

Vous avez, dans plusieurs de vos nouvelles, évoqué la vie des étudiants, pourquoi revenir à cette étape dans un travail littéraire, pourtant les sujets traités, l’amour, en l’occurrence, peut être vécu même en dehors de la fac ?

Non, je ne crois pas que j’ai traité de la vie des étudiants plus que d’autres. Car il n’y a que la nouvelle Tatabatata qui traite de ce sujet, sinon les autres nouvelles parlent du mariage, du tremblement de terre de 2003, du vol et de la prostitution, de la torture, du terrorisme et même d’un chien qui a perdu l’amour de sa vie (rire).

Tamazight a besoin de plus d’efforts, comment se présente le monde de l’édition pour cette langue ?

Je suis la preuve vivante qu’il y a un vrai problème d’édition en Algérie, surtout dans le cas de tamazight. Presque 30 ans d’écriture et je n’ai réussi, tant bien que mal, qu’à placer 2 ou 3 paragraphes dans les revues en tamazight depuis les années 90. En plus, elles ne se sont même pas vendues. (Rire) C’est vrai qu’il y a quelques maisons d’éditions qui viennent de voir le jour et je leur souhaite de la réussite car on a vraiment besoin d’elles pour fixer tamazight une fois pour toute sur papier. Mais est-ce que ça va suffire et …durer ? Sans oublier l’effort fourni par les «chevaliers» de l’ombre qui sont au HCA, qui malgré un environnement très hostile, ont réussi à publier 150 livres en tamazight. Je sais que c’est peu par rapport à la floraison dantesque et phénoménale du nombre d’auteurs. On croit deviner que ce siècle sera dans la littérature algérienne celui des écrivains en tamazight. Je ne suis pas sûr de moi, mais je crois que le nombre d’écrivains en tamazight, en rapport au nombre de locuteurs, sont plus nombreux que ceux qui écrivent en arabe et en français. Et si vous me le permettez, je profite de l’occasion pour remercier mes deux sœurs (Baya et Lynda) qui ont donné beaucoup d’elles-mêmes pour la mise sur ordinateur de mes écrits et les nombreuses corrections qu’elles ont apportées et aussi un grand remerciement à mon ami et frère Hadj Saïd Abdennour.

Propos recueillis par M. Mouloudj

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