Prudence et ambitions

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Depuis les grandes fluctuations de la fin des années 1990 qui ont fait connaître au baril de pétrole une instabilité chronique, les autorités algériennes ont eu recours à une “mesure-étalon” pour élaborer la loi de finances qui fixe le budget de l’Etat pour l’exercice d’une année. En effet, même si, au cours de ces derniers trimestres, le prix de 19 dollars le baril nous paraît quelque peu comme un lointain souvenir, le gouvernement est, en quelque sorte, échaudé par un “incident” du temps du président Zeroual qui a vu le baril de pétrole se négocier au-dessous de 10 dollas, suite à la banqueroute financière des banques occidentales en Indonésie. C’était l’époque où le Plan d’ajustement structurel (PAS) était mis en œuvre sous la férule du FMI et où le terrorisme islamiste décimait les familles et les intellectuels algériens. Une telle situation, si elle avait duré plus d’un semestre, aurait emporté l’économie nationale et mis en péril la cohésion du pays.Une loi de finances basée sur un prix de référence de 19 dollars le baril suppose, depuis l’envolée des prix de l’or noir qui caracolent superbement au-dessus de 50 dollars depuis plusieurs mois, des réserves en devises versées dans le fonds de régulation. La stratégie du gouvernement, depuis au moins cinq ans, consiste à renflouer les recettes fiscales hors hydrocarbures de façon à rendre les finances publiques moins dépendantes de cette mono-exportation qui a pris en otage l’économie du pays. Les ambitions en la matière étaient de 2 milliards de dollars d’exportations dans les secteurs non pétroliers. Certes, on n’en est pas encore là. Mas, les différentes stratégies sectorielles (mise en œuvre du PNDA, mise à niveau de certaines entreprises publiques pour faire face à la concurrence qui sera générée par l’accord d’association avec l’Union européenne, les incitations pour la création des PME/PMI, l’ébauche d’un processus de privatisation…) militent pour une création de richesses hors hydrocarbures dans les toutes prochaines années.Malgré les tendances à la libéralisation imposée par l’impasse du modèle rentier algérien et par les impératifs des regroupements régionaux et de la mondialisation, les transferts sociaux demeurent très importants en Algérie. L’ancien ministre des Finances les a estimés à quelque 10 milliards de dollars par an (pensions des moudjahidines et des handicapés, indemnités aux victimes des événements politiques, soutiens à certains produits comme l’énergie, le lait et le pain…).Après la loi de finances complémentaire 2005, qui comporte une tranche du Plan de soutien à la croissance, le projet de loi de finances 2006 adopté par le conseil du gouvernement lundi dernier confirme la tendance à l’effort d’investissement et de développement. Ainsi, sur un budget global de 2 624,1 milliards de dinars, les dépenses d’équipements sont fixées à 1 340,6 milliards de dinars, soit une augmentation de 116,6 % par rapport à 2005, tandis que les dépenses de fonctionnement sont arrêtées à 1 283,5 milliards de dinars.Le projet de loi de finances 2006 comporte une grande partie du chapelet de mesures destinées à encourager l’investissement productif créateur d’emplois (suppression de versements forfaitaires pour les patrons, validation de la procédure de gré à gré dans la cession des terrains domaniaux, au profit des investisseurs, création d’un fonds de mise à niveau de la PME), l’exportation hors hydcrocarbures, la lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et l’économie informelle, et, enfin, la lutte contre la pollution à travers la tarification et la taxation de carburants non polluants. Le Plan de soutien à la croissance sera concrétisé par le développement des réseaux routiers et ferroviaires, les services de santé, l’habitat, la formation et l’éducation, la mobilisation des ressources hydriques et la modernisation du service public. En résumé, la loi de finances 2006 se veut prudente mais plus ambitieuse que celle de l’année 2005.

A. N. M.

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