Il était près de 18 heures, avant-hier, lorsque des jeunes et des moins jeunes du quartier dit “Château», ont envahi le bitume de la rue Amirouche pour l’obstruer et, ce faisant, l’interdire à la circulation automobile.
Visible de loin et suspendu en travers de la route carrossable, l’emblème national, gigantesque drapeau acheté par les jeunes du Château pour fêter les rarissimes prouesses du onze national, suggérait déjà la colère. Nous nous rapprochons de la très relative effervescence. Nous interrogeons l’un des jeunes sur la ou les raisons de leur action. Il nous répondra tout de go, en nous désignant du doigt des banderoles revendicatives : “Vous ne savez pas lire !”. Cette réponse expéditive, renseigne sur l’état d’esprit qui caractérise de plus en plus de citoyens s’estimant oubliés par l’ascenseur social : lassitude à s’expliquer sur des évidences et à dialoguer avec une autorité ne pouvant, et encore moins dans les meilleurs délais, répondre à des exigences légitimes. C’est tout au moins le cas des protestataires du Château exigeant, comme leurs banderoles le soulignent dans un arabe approximatif : “Aâtouna soukna (donnez-nous un logement)!”
En fait, ils sont une cinquantaine de familles à habiter des taudis insalubres. Le “haouch” les abritant existe, depuis l’Indépendance, tiennent à chaque fois à le souligner les gens du Château comme pour signifier que cette indépendance n’est pas passée près de chez eux. A vrai dire, il y a tout de même de l’excès dans les propos des mécontents : beaucoup de leurs anciens voisins ont bénéficié dans le cadre de la résorption de l’habitat précaire, de logements sociaux. Le cas de figure le mieux illustratif de la situation de l’habitat précaire à Bouira est ce, sont sans doute les gourbis de la Cité-Ouest implantés en plein centre-ville, depuis une cinquantaine d’années. Pour rappel, le bidonville en question prenait chaque année un peu plus d’épaisseur, jusqu’à devenir la tache d’huile agressant urbanisme, environnement. et, surtout, mettant en danger la santé publique. Toutes les fois que les autorités qui se sont succédées affectaient aux locataires du gourbi en question des logements sociaux, ces derniers refusaient de les rejoindre, sous prétexte qu’un appartement ne suffit pas à abriter toute la famille. A ce propos, il convient d’expliquer qu’un taudis abritant, au départ, une famille accueille oncle, sœurs, cousins alléchaient par l’opportunité de bénéficier d’un logement. Du coup, le gourbi, et à la faveur du laxisme affichait par les autorités d’alors, continuait à répandre sa salissure.
Il a fallu l’avènement de l’actuel wali pour mettre un terme aux enchères des locataires des gourbis, en les affectant manu militari vers des logements décents. C’est plus ou moins, le même topo qui a freiné la résorption totale et définitive du haouch du Château dont les habitants et après la manifestation plutôt bon enfant, d’avant-hier soir, sont revenus à la charge du bitume ce matin. Cette fois-ci, les services de l’ordre sont intervenus d’une manière musclée pour libérer la voie à la circulation. La réaction des manifestants sera autant musclée. Aux environs de 13 heures et après avoir embarqué quelques jeunes, les services de l’ordre débarrasseront le bitume des détritus et autres pneus enflammés et le rendront à la circulation automobile.
S. O. A