Des éditeurs en quête d’une place dans le paysage livresque

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L’acte d’écrire, l’intentionnalité consciente ou non de l’écrivain, la politique de l’édition en Algérie ont été les sujets abordés samedi dernier lors d’un Café littéraire à la maison de la culture et animé conjointement par Tarik Djerroud et Mohand Chérif Zirem, auteurs et éditeurs, respectivement des Editions Belles Lettres pour le premier, et Lumières Libres pour le second.

Si la question de la création littéraire et du «Qu’est-ce que la littérature ?» demeure un champ de débat controversé pour Tarik Djerroud- natif d’Ath Ouaghlis et électrotechnicien de formation- le choix est tranché puisque pour lui : «L’écriture est une tentative de comprendre l’esprit de l’humanité et de saisir la longue marche du monde». Pour Mohand Chérif Zirem qui lui, verse plutôt dans la production poétique à l’air…libre que cantonnée dans les règles de la métrique, le poète dit son mal et celui de sa société car c’est du spleen de l’artiste que ressort la puissance poétique du poète… ! La poésie pour Zirem (à ne pas confondre avec son frère Youcef, journaliste et écrivain lui aussi) est l’expression authentique de la sensibilité de son créateur, raison pour laquelle, il (M-C Zirem) ne retouche ni n’apprend ses poèmes qui, pour certains sont écrits, il y a plus de quinze ans. «Ce serait les trahir que de les modifier, car c’était l’expression de l’émotion du moment …» . Pour rappel, Zirem est psychologue clinicien de formation, né à Akfadou, il a déjà publié deux recueils de poésie : «les nuits de l’absence» en 2006, «L’amour ne meurt pas» en 2010 et un entretien «Brahim Saci sur les traces de Slimane Azem», en 2010. S’agissant du choix de la langue d’écriture, pour Djerroud qui a déjà à son actif trois publications dont la première (le sang de Mars) publié d’abord à compte d’auteur en 2009, le choix est vite fait, puisque les trois opus : «J’ai oublié de t’aimer» 2010 et «Au nom de Zizou» sont écrits dans la langue de Molière, avec laquelle il semble très à l’aise… Mohand Chérif Zirem, qui est influencé d’abord par les contes et les histoires du terroir, c’est paradoxalement en langue arabe qu’il a commencé à versifier, étant séduit par la «beauté» de la sainte écriture, avant de revenir à la langue source, qu’est la langue maternelle ; une fois les canons de son écriture maîtrisés, à l’école, il eut aussi le français…il soutient néanmoins que le choix de la langue n’est pas déterminant ! Relativement aux choix éditoriaux de l’un et de l’autre, les invités du CL parlent de «coup de cœur», quand il s’agit d’œuvres de fiction. Ils se veulent aussi une porte ouverte pour les nouvelles plumes qui tentent d’émerger dans le paysage livresque, un penchant particulier pour le livre d’Histoire semble motiver le choix des éditions Belles Lettres, car de l’avis de son responsable, «nous méconnaissons un pan important de notre Histoire, hormis celle officielle que l’on nous injecte à des doses homéopathiques quand elle n’est pas tout bonnement réécrite, c’est d’ailleurs dans ce sens que je m’apprête à rééditer un livre sur les événements récents de Kabylie : «L’aârouch et le pouvoir corrompu», déjà paru en 2002, dans sa version arabe». Il plaide tout aussi énergiquement pour l’ouverture des archives et invite les acteurs et témoins de l’Histoire à livrer leur version des faits, charge alors aux historiens de faire leur travail de scientifiques.

A la question de l’assistance en rapport à la «politique du livre» en Algérie, les deux éditeurs réfutent son existence, il ne s’agit, pour eux, ni plus ni moins que d’un réseau de copinage», qui travaille dans l’opacité. «C’est la République des copains d’abord», tonnent-ils unanimes. Le caractère jacobin de l’Etat algérien oblige les principales activités culturelles, artistiques et éditoriales à se concentrer dans le centre, siège de la plupart de ces institutions, les «provinces», quant à elles, sont démunies et sont en jachère sur le plan de l’action culturelle ! Toujours en rapport à la question du livre, Zirem rappelle le constat amer sur le sujet : «En Algérie, au jour d’aujourd’hui, il n’existe aucune politique réelle et effective du livre, la fameuse subvention dont parle tant le ministère de la culture n’est que de la poudre aux yeux, elle ne concerne que le cercle restreint d’éditeurs, dont la ligne éditoriale est en adéquation avec celle des décideurs…». Et de se désoler de l’inexistence d’un réseau fiable de distribution du livre au niveau du territoire national. Les deux invités du CL plaident en faveur de la création d’un CNL (centre national du livre), un centre qui se doit d’être indépendant et autonome et dont la fonction serait d’aider à la subvention des jeunes maisons d’éditions, ce qui se répercutera à coup sûr, sur le prix du livre, le lecteur n’en sera que gagnant… En guise de conclusion, Mohand Chérif Zirem s’est incliné devant la mémoire des combattants de la liberté en Algérie et partout dans le monde et à Tarik Djerroud de rendre hommage à la femme, mère, éducatrice, formatrice et institutrice, du giron de laquelle fleurissent des graines d’écrivains qui parfois changent la face du monde… Le débat s’est poursuivi dans le salon, lors de la vente dédicace.

Nabila Guemghar.

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