Par Abdennour Abdesselam:
«Akhouni» signifie approximativement disciple ou apôtre. Le sens n’est que rapproché dans la mesure où la fonction est d’une totale liberté. Ainsi «Akhouni», dans la culture kabyle, n’est pas un personnage choisi, nommé ou encore désigné. Il ne reçoit pas d’enseignement d’une manière formelle au sens ecclésiastique du terme. Le reçoit-il d’ailleurs ? Il ne voue pas adoration extrême ou culte absolu à son maître. Il adhère plutôt par conviction à la raison, à la justesse et à la logique des idées qu’il juge utiles et nécessaires de répandre loin de toute autorité établie. Il n’a pas de mission précise, sinon ponctuelle, à l’exemple d’un messager ou d’un envoyé spécial, comme ce fut le cas de Mhend Ouaba, originaire d’Ighil Lmahni (village natal de la diva de la chanson kabyle Hnifa des Ait Djenad). Mhend Ouaba est connu pour être un des fidèles disciples de Chilkh Mohand. C’est lui que le maître enverra en mission chez le grand Chikh Aheddad. Akhouni ne rentre pas, pour ainsi dire, dans un ordre où il est soumis à un fonctionnement hiérarchique et hiérarchisé. Devenir «Akhouni» est un acte volontaire et indépendant. On peut cesser de l’être dès que cesse la conviction. On peut être aussi un «Akhouni» sans être pratiquant, contrairement au «Taleb», statut qui exige une parfaite connaissance des textes de la religion et dont la mission est de dispenser son enseignement. La ligne de démarcation est dans les rôles qu’ils jouent, l’un en totale liberté et l’autre tenu aux respects des règles. Par exemple, lors de veillées funèbres, deux groupes se forment. L’un composé de «Telba» (pluriel de Taleb) et l’autre de «Khouan» (pluriel de Akhouni). Ils interviennent à tour de rôle et sur des registres distants l’un de l’autre. Le premier groupe récite des versets coraniques, alors que le deuxième chante en kabyle soutenu des poèmes qui traitent de la vie, de hauts faits, de la mort et des vertus. Pour «Akhouni», la raison est une autre façon d’être près de Dieu.
A. A. ([email protected])