Une bonbonne de gaz SVP !

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Dans l’après-midi de mercredi dernier, les habitants de Ouled Messaoud ont recouru à des actions de force pour se faire entendre.

Ainsi, devant l’inertie des autorités qui a duré presque cinq jours pour leur venir en aide, ils ont bloqué le CW 147 reliant Tizi-Gheniff à Timezrit en passant par de nombreux villages de la région et ont même immobilisés des engins venus débloquer la route car ils ont vécu quatre nuits sans électricité. Leur colère a atteint son paroxysme en voyant que personne n’est venue s’enquérir de leur situation dramatique: ni électricité ni gaz. Tous les axes menant aux villages étaient bloqués. “C’est incroyable, au moment où l’on entend que les forces de l’ANP avancent vers les villages les plus enclavés de la wilaya, ici, à Tizi-Gheniff, personne ne s’est manifesté. Nous sommes abandonnés en ces moments difficiles, mais dès que les élections arrivent, ce seront toujours ces mêmes personnes qui viendront nous promettre monts et merveilles. Aucun camion de gaz butane n’est arrivé. Si nous sommes passés à l’action, c’est parce que nous avons ressenti un rejet quelque part», n’a cessé de répéter un contestataire. Selon une information qui nous est parvenue tard dans la nuit de jeudi, à la grande joie des habitants, le courant électrique est rétabli. Continuant notre périple sur le territoire de la daïra de Tizi-Gheniff, nous avons rencontré des personnes venues du chef-lieu de M’Kira à pied à la recherche d’une baguette de pain. “Il n’y a rien à Tighilt Bougueni. L’électricité a été coupée depuis la nuit de vendredi à samedi dernier. La seule boulangerie ne peut faire face à dix sept mille habitants, tous en quête de pain. D’ici deux jours, cette boulangerie va fermer ses portes. Et le dernier BMS prévoit le retour des pluies et des neiges à cent mètres à partir de ce dimanche. La situation est extrêmement délicate pour nous les montagnards. Nous craignons le pire», nous a dit un autre citoyen emmitouflé dans une couverture. Les quelques téméraires rencontrés sur les chemins et les sentiers des villages ne font que crier leur détresse. Pour en savoir plus, nous avons appelé le maire de M’Kira. “Certes, la situation est rétablie quelque peu, mais le problème du courant électrique persiste toujours notamment au chef-lieu. Pour l’alimentation en gaz butane, nous avons délivré des autorisations aux comités de villages pour s’approvisionner à Oued Aissi», nous a-t-il confié. Retour à Tizi-Gheniff. Une simple virée au marché des fruits et légumes nous a fait savoir que le consommateur est pris au piège. Il est forcé de débourser tant d’argent sinon il n’aura rien à se mettre sous la dent. Les étals étaient presque vidés. Il ne restait que quelques légumes, bien sûr, à des prix forts. Pomme de terre à 80 dinars, choux-fleurs à 100 dinars, carottes à 60 voire 80 dinars … Dans cette sortie après l’accalmie de jeudi, nous nous sommes rendus dans l’autre versant de la commune: Amedah et Beggas. Ces deux localités sont situées à plus de mille mètres d’altitude. Si le chemin de wilaya est rouvert à la circulation, on a constaté qu’il restait encore des hameaux bloqués. “Nous avons souffert des coupures électriques. Le courant a été rétabli hier dans la nuit de mercredi, mais nous souffrons tout de même du manque de gaz butane. Il y a des citoyens qui sont partis jusqu’à Lakhdaria et à Kadiria, ils sont revenus bredouilles. Nous avons tous peur de ce qui est annoncé pour ce dimanche», nous a répondu simplement un citoyen qui travaillait avec les autres pour trouver des solutions à quelques situations. Dans tout le versant sud de la wilaya, c’est le même constat. De Tizi-Gheniff, nous imaginions la vie qu’endurent les habitants des hauteurs de Tazrout où la neige a bloqué des milliers de citoyens en dépit des efforts consentis pour ouvrir la route vers ces villages perchés à plus de neuf cents mètres d’altitude. C’est enfin le gaz butane qui fait défaut aussi dans ce versant. De Draâ El Mizan où la vie a repris normalement avec l’ouverture de tous les services, nous nous sommes dirigés à Frikat, une autre commune où des villages étaient restés enclavés en dépit des efforts déployés par le autorités locales. Ath Ali, Ath Boumaâza, à plus de mille cinq cents kilomètres d’altitude, c’est invivable avec des épaisseurs de deux mètres. Dès que nous sommes arrivés au chef-lieu de commune, nous avons été reçus par plus de deux cents personnes arméés de pelles et autres moyens rudimentaires préparées à aller désenclaver les habitants d’Ath Boumaâza bloqués dans leur village et hameaux. “ Nous n’avons rien pour aller porter secours à ces habitants. Heureusement, nous avons eu pris cette initiative de partir vers eux avec ces moyens dérisoires que vous voyez. Hier, ( mercredi ) , nous avons désenclavé quelque peu, mais dans la nuit, la neige est retombée et rebelotte pour aujourd’hui,( jeudi)“, nous a confié M. Arib Amar, en sa qualité de maire tout en remerciant au passage la solidarité des citoyens qui ont répondu à l’appel qui leur a été lancé. Et de poursuivre: “ l’électricité est rétablie. Mais nous avons un problème qui persiste encore, c’est le gaz butane. Il faut signaler aussi qu’aucune goutte d’eau potable n’a coulé des robinets. Je salue aussi la DTP qui nous prêté main forte avec son chasse-neige. Finalement, j’ajouterai que Frikat notamment cette zone montagneuse est dans une situation de sinistre”. Au moment où nous quittions ce chef-lieu, il nous a été donné d’entendre que Bounouh se trouvait dans une situation cahotique. Sur les hauteurs de Helouane, rien n’allait pour le mieux. “C’est une zone qui est à plus de mille sept cents mètres d’altitude où l’épaisseur de la neige a attteint deux mètres. Nous avons essayé avec nos moyens vétustes, mais nous nous sommes pas arrivés à notre fin. Bien sûr, les entreprises privées nous ont aidé avec leurs engins. Nous continuons toujours nos efforts pour faire face à cette situation inédite», nous a répondu au téléphone, la maire de Bounouh , M. Rabah Makhlouf. A Ait Yahia Moussa, c’est le même appel. “Nous mourons de froid», crient les pauvres montagnards. Dans la matinée de jeudi, pour lancer cet appel pressant, les jeunes ont fermé la RN 25. “Nous entendons qu’ailleurs des camions chargés de bouteilles de gaz arrivent même dans les villages les plus reculés. Pour Ait Yahia Moussa , rien n’est prévu», ont lancé tous à la fois les protestataires. De son côté le maire s’est déplacé jusqu’à Oued Aïssi pour débloquer quelques camions. A son retour, il a quand même convaincu les jeunes à se calmer et patienter car il essaiera d’obtenir “le quota” pour sa commune. Plus haut, du côté du versant sud, c’est grâce aux volontariats que les hameaux étaient désenclavés à l’image de ce qui s’est passé à Ath Sidi Ali, un village de la commune, limitrophe avec la wilaya de Boumerdès du côté de Timezrit. Dans ce mini reportage, nous avons pu quand même arriver dans des villages où la solidarité est perçue comme la seule alternative quand tout manquait. Les villageois munis de tous leurs moyens se sont pris en charge eux-mêmes car ils savaient pertinemment que leurs ancêtres avaient ce principe, le seul d’ailleurs, qui les sauvait dans des situations similaires.

Amar Ouramdane

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