Des dits de Cheikh Mohand Du respect de l’autorité villageoise

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Par Abdennour Abdesselam:

Dans chaque village de Kabylie est instituée une assemblée dont les missions sont à caractère administratif, social, politique et juridique. L’assemblée est formée de membres délégués de chacune des familles le composant. Ces membres appelés «tteman» ne sont pas élus mais désignés sur la base d’une délégation de confiance accordée par chaque famille pour son représentant. Ils peuvent être replacés autant de fois qu’ils sont considérés inefficaces ou indisponibles. Les délégués choisissent ensuite parmi eux le chef du village comme modérateur de l’assemblée. Il est désigné sur la base des mêmes critères qu’eux et tout aussi remplaçable. Le droit et le devoir de participer à la gestion du groupe sont indissociables et même sacralisés. Dans le milieu social kabyle il n’y a donc pas de pratique du vote qui consacre les notions confuses et relatives de majorité dominante, de minorité dominée et ou de blocage, de pouvoir et de contre-pouvoir qui s’affrontent à la stérilité. Ainsi, l’équilibre dans la gestion administrative et politique du village ne repose sur aucune notion du nombre, ni d’influence et encore moins de la force. Voila pourquoi l’absence de pouvoir personnel et absolu a empêché du coup la parution de toute forme d’hégémonie et de despotisme, caractères et tendances propres à l’être humain. L’épisode isolé du règne par la force des Aït Kaci de Tamda est là pour nous rappeler que «tout pouvoir qui s’établit par la force cesse d’exister dès la disparition de celle-ci», disait Tahar Djaout. En assemblée, toutes les décisions sont prises par consensus et le débat d’idées qui reposent sur la force de persuasion et l’efficacité. Les villages peuvent s’unir chaque fois que de besoin. Mais ils restent autonomes les uns des autres. En cela, Chikh Mohand ne s’est jamais substitué à aucune décision ou autorité villageoise et n’a à aucun moment heurté la «mosaïque» stable kabyle. Autant dire que le Chikh n’a pas gouverné la cité. Il s’est plutôt mis au service de celle-ci et l’a protégée. Il avait le plus grand respect de la responsabilité citoyenne et ne faisait pas dans l’injonction. Pour cela il disait : «Daâwessu n tuddar tewâar, tfellu amzun t-tirsasin» (Malheur à qui enfreint les lois du village). Consulter le philosophe, l’Amoussnaou, ne signifiait pas outrepasser le règlement interne du village. Il était seulement le dernier recours au cas de besoin. Lui-même souhaitait que dans chaque village il y ait un sage modérateur. Il disait à juste titre : «A w’i yufan yal taddart ad yili degs umussnaw».

A. A. ([email protected])

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