De l’harmonie entre le dit, la pensée et l’acte

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Par Abdennour Abdesselam

Chikh Mohand perdra très tôt son fils unique Mohand Larbi alors âgé de 16 ans. Mais le père ne poursuivait déjà aucune primauté familiale ni ne thésaurisait pour des objectifs personnels. Sa mission dépassait le rôle et l’intérêt paternel. Il avait plutôt un rapprochement immatériel envers et avec la société. Pour ce faire, des bienfaiteurs lui faisaient des dons sous plusieurs formes. Le Chikh n’acceptait de l’argent que de personnes ou de familles assez aisées. Pour les autres, cela varie entre l’offrande relative en huile, en semoule, en lait, en figues sèches et parfois quelques fruits. Ainsi, les nombreux visiteurs qui affluaient chaque jour au hameau d’At Ahmed, près de Taqa dans la région d’Aït Yahya où officiait le Chikh, étaient pris en charge et notamment ceux qui venaient de contrées lointaines. Il leur fallait donc le gîte, le couvert et le Chikh assurait tout cela grâce à ces dons. Certains s’employaient pendant deux ou trois jours et à tour de rôle, aux travaux d’extension des salles servant de dortoirs ou de salles pour se restaurer. L’étude de l’état de distribution actuelle des lieux et du cadre bâti du temps du Chikh conforte cette thèse. On peut encore aujourd’hui y trouver de grandes chambres ayant jadis accueilli ses visiteurs. Les ouvriers permanents, eux, étaient payés à l’exemple du célèbre maçon Mohand Aqeddac ou encore le jardinier Akli Iguenaten. Il y avait dans les actes du Chikh une harmonie entre ce qu’il disait, ce qu’il pensait et ce qu’il faisait. Il disait :«Matchi d amellek i nettmellik, d asellek i nettsellik » (Je ne thésaurise pas, je m’emploie plutôt à dénouer des situations conflictuelles). Il avait réglé et organisé son lieu de vocation devenu alors une forme de centre social et d’institution morale. Il faisait dans la redistribution des dons. Il dira :«Ayen d-yettak lghachi yettughal i lghaci» (Tout ce que l’on me rapporte est redistribué aux visiteurs). Dans une autre variante il dira : «Ayen d-ttaken medden yettoughal i medden » Ou encore : «S yeffus ttawigh s zelmedh ttarragh» (Ce que je prends de ma main droite je le redistribue de la main gauche). Pouvons-nous peut-être entrevoir en cela la notion moderne de redistribution des richesses…

A. A. ([email protected])

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