“L’écriture de l’Histoire n’est pas le monopole des historiens”

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Belaïd Abane sort de sa réserve pour défendre la mémoire de «l’architecte de la révolution», en offrant au public du Café littéraire de mardi dernier le résultat d’un travail entamé depuis les années 80. «Voyage au bout de la mort» était initialement le titre choisi en réplique aux pourfendeurs de la mémoire de Abane Ramdane. Dans un livre au ton pamphlétaire, l’invité de la séance répond aux détracteurs du martyr de la Révolution «coup sur coup, sans haine, mais sans concessions». L’auteur de «Ben Bella-Kafi-Bennabi contre Abane, les raisons occultes de la haine» répond avec sérénité aux invités du Café littéraire, avides de connaitre la vérité sur les circonstances de l’assassinat d’Abane. «L’écriture de l’Histoire n’est pas le monopole des historiens», assène-t-il d’entrée de jeu. Pour rappel, Belaïd Abane est diplômé en sciences politiques ; une démarche qu’il assume pleinement et sans complexe. A rappeler également que le livre en question fait partie d’une trilogie, précédée d’intenses recherches. L’élément déclencheur, à l’origine de sa rédaction, n’est autre que l’offensive de certains anciens dirigeants, Kafi, Ben bella et Bennabi. Tout en affirmant avec fierté devant l’assistance qu’«Abane était un homme d’action ayant fait partie de L’OS», Belaïd rappelle les circonstances dans lesquelles le CCE avait quitté l’Algérie. «Suite à la mort de Ben Mhidi, les dirigeants du CCE avait compris qu’ils ne pouvaient rester à Alger, au risque de décapiter la révolution», fait-il comprendre. « Donc, les quatre rescapés qu’étaient Abane, Krim, Dahleb et Ben Khedda, ont compris qu’il fallait sortir à l’extérieur, non seulement pour mettre à l’abri la direction nationale qu’était le CCE, mais également, pour contrôler la situation à l’extérieur». Ce nécessaire «déplacement» devenait vital pour la suite de la révolution, principalement après l’arrestation des dirigeants de l’intérieur, notamment Khidher, Ben Bella et Boudiaf … «Il y avait une certaine anarchie à l’extérieur, notamment en ce qui concernait l’acheminement des armes … », précise-t-il. Sollicité par la base de l’Est, Abane décide de rentrer pour assurer l’acheminement des armes. Comprenant les dangers qui les guettaient, s’il venait à rentrer, en raison de son rôle et de son poids, les dirigeants de l’époque entament le projet de sa marginalisation. Cela étant, l’idée de son élimination figurait déjà au programme. Mais les colonels tentent d’abord de l’amadouer. «Bentobal s’en est chargé», affirme l’invité. «Un politique n’a rien à faire avec les militaires … », aurait suggéré Bentobal, à cet effet, à Abane. Tout cela, dans la perspective de l’obliger à rejoindre le Maroc. «La suite est un secret de Polichinelle», conclut le conférencier. Rappelant le contenu de son ouvrage, l’orateur adresse d’abord sa réponse à Malek Bennabi, lequel «ne s’est jamais impliqué ni dans le mouvement national, ni dans celui de la guerre de libération». Ce reproche, n’étant pas des moindres ni le seul que retient l’auteur à l’encontre de cet «islamiste», lui ôterait toute légitimité de discourir à propos du parcours de Abane. De là à cracher sur la mémoire de ce valeureux martyr ! Le deuxième pourfendeur n’est autre que Ali Kafi. Il s’agirait dans son cas d’une «blessure interne». L’Histoire peine à retenir son nom parmi les acteurs des grands événements. «Il ne figure sur aucun PV du congrès de la Soummam», apprend-on de l’auteur.

C’est cette grande frustration qui l’amène à déverser tout son fiel sur Abane à qui il attribue son éviction du congrès. Insistant sur le fait que ce qu’il avance était tiré de documents et de sources fiables, l’auteur n’hésite pas à descendre en flèche le troisième personnage mis en cause. Ben Bella, en l’occurrence. Il s’agit là toujours selon l’orateur, «d’un vieux contentieux qui a commencé avec le démantèlement de l’Organisation Spéciale». «Ce contentieux a enflé parce qu’on a reproché à Ben Bella de n’avoir pas envoyé assez d’armes, ainsi que de s’être autoproclamé porte-parole de la libération nationale». En outre, et plus grave encore, «Abane, torturé pendant 27 jours, n’a donné personne» alors que «Ben Bella se serait évadé de manière un peu louche et [aurait] livré tous les secrets de l’armée de libération nationale à l’Egypte». Sur un autre plan, et tout en affirmant que «la question, laïc, pas laïc»,ne se posait même pas à certains acteurs, à l’image de Krim et Ouamrane, durant le Congrès de la Soummam». Belaïd Abane précise : « le dénominateur commun du Congrès de la Soummam, c’était la citoyenneté».

Cette séance du Café littéraire ayant été voulue comme une occasion pour débattre de «certaines vérités concernant l’histoire ou l’historique de la révolution», l’invité ne s’est pas contenté de rappeler quelques-unes de celles-ci en réponse à ces gens qui ne savent pas, ou qui n’ont pas su de leur vivant, qu’«on ne crache pas impunément dans le bleu du ciel». C’était aussi une occasion pour revenir sur «le projet soummamien», un programme annonciateur des premiers jalons d’une Algérie plurielle, ouverte à toutes ses cultures dans le respect de sa diversité et où le mot «citoyenneté» aurait pris tout son sens, si seulement le fleuve n’avait pas été détourné … N’en déplaise à l’ancien «favori des Egyptiens» qui «voyait en le Congrès l’odeur de la France sans avoir lu la plate-forme». Enfin, il est à signaler que Belaïd Abane a promis plus de détails sur l’assassinat de son oncle dans un ouvrage qui devra paraitre vers la fin de cette année.

Nabila Guemghar

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