Djamel Kaloun, artiste au grand talent, évoque dans cet entretien ses penchants artistiques, ses exigences et son appel à développer lachanson kabyle tout en mettant des gardes-fous à la chanson commerciale qui pervertit les repères. Il évoque, aussi, son nouvel albumTicrad qui est sur les étals.
La Dépêche de Kabylie : Vous en êtes à votre 3e album, peut-on savoir pourquoi vous mettez autant de temps pour éditer un album ?
Djamel Kaloun : Les raisons sont multiples, à vrai dire. Pour faire tout un album, il faut d’abord avoir l’inspiration nécessaire. Par exemple, pour ce 3e album, j’avais enregistré 8 chansons avant de me rétracter et de tout changer. C’est un travail qui nous a pris presque deux années, mais en fin de compte, je me suis résigné à tout changer, après les conseils des amis, lesquels étaient tous réticents quant au travail fait auparavant. Dés lors, j’avais décidé de reprendre le travail dés le début et produire un album qui réponde à mes exigences artistiques. Au fait, mon objectif est de faire perpétuer le traditionnel kabyle que j’essaye de moderniser sans froisser son âme.
Plusieurs artistes, notamment des poètes, ont participé à votre album. Nos artistes ont comme une phobie du travail collectif, quel est votre commentaire ?
Il est tout à fait normal pour moi de faire appel à des spécialistes pour réussir mon album. Il n’a jamais été question de tout faire en solo. C’est une bonne chose de solliciter les autres pour un travail qui nécessite la contribution de plusieurs personnes. Et ce travail se fait d’une manière très organisée. D’abord je compose les mélodies, ensuite on étudie les textes que nous proposent les poètes.
Avez-vous des exigences particulières sur ce sujet ?
Oui, j’exige que la langue du texte soit le kabyle que l’on retrouve dans les textes d’anciens poètes. Je démarre du principe que nous avons une très belle langue que nous devons exploiter et enrichir. J’aime cette langue et c’est pour cette raison que j’essaye de fructifier le traditionnel en le remettant au goût des exigences du public actuel. Les airs populaires kabyles sont tellement riches que nous pouvons nous en inspirer et rester à la page.
Avez-vous rencontré des difficultés pour éditer votre album ?
Il est de notoriété publique que même le monde de l’art est à l’image du pays. Oui, des problèmes handicapent le travail des artistes et il serait plus judicieux de laisser cela pour autrefois, sinon, on n’en terminera pas de les répertorier.
J’ai donné le titre Tichrad (tatouages) à mon album pour dire que point de tatouages sans sang, comme disent les kabyles. Je me suis donné à fond pour le réaliser. Les tatouages sont à la fois beaux, puisqu’ils nous rappellent nos grands-mères, et un signe de souffrances.
Quel regard portez-vous sur la chanson kabyle actuelle ?
Au début, j’étais très sceptique, mais là je suis optimiste. Je m’explique. Beaucoup d’artistes veulent faire du bon travail. Ils nous donnent de l’espoir. Le style non-stop de fête doit cesser d’étrangler la chanson kabyle. Ce monopole de la chanson commerciale a brouillé tous les repères, néanmoins, ceux qui aiment la vraie chanson à texte, avec une musique étudiée, sont là et on leur sert d’exemple. La chanson doit avoir une âme pour que les mélomanes s’y intéressent. La langue doit aussi suivre. La chanson kabyle est un trésor, faisons en sorte qu’elle s’épanouisse !
Propos recueillis par Arezki G