La traditionnelle «Fête Nationale du Bijou» des Ath Yenni qui, comme celles du tapis des Ath Hichem et de la poterie de Maâtkas, constitue un des carrefours majeurs de l’activité économique, commerciale et artisanale de la wilaya de Tizi-Ouzou, risque fort de ne pas avoir lieu cette année.
Aux considérations de la cherté des matières premières (argent et corail) qui empêchent les artisans de « sauvegarder » leur métier ancestral, comme le soutiennent, d’ailleurs, les concernés eux-mêmes, dont le nombre ne cesse de rétrécir comme une peau de chagrin, viennent se greffer, au fil des années, d’autres contraintes, comme l’absence des touristes, et les changements sociaux qui se répercutent sur les « habitudes alimentaires et vestimentaires » des consommateurs. Le président de l’APC de Beni Yenni, M, Mohand Arab Boumaza, en sa qualité de président du comité Communal des fêtes de Beni-Yenni qui préside à l’organisation de cette fête, a annoncé non sans regrets, « l’impossibilité de la tenue de la fête annuelle du bijou des Ath Yenni cette année, pour des considérations techniques, financières et de calendrier, qui viennent s’ajouter aux difficultés et contraintes soulevées par les artisans eux-mêmes. » Pour l’édile communal de Beni Yenni, « le mois de Ramadan, qui coïncidera cette année avec le mois de juillet, période des vacances annuelles pendant lesquelles se tient annuellement la fête du bijou, constitue une contrainte majeure pour ce rendez-vous économique et touristique, sans oublier les travaux de raccordement au gaz naturel qui sont en cours de réalisation au niveau de la commune et qui représentent un inconvénient majeur, en obstruant, ou tout au moins, en réduisant considérablement l’accès des automobilistes aux routes et voies de la localité. Le maire de Beni Yenni a aussi mis en avant d’autres contraintes handicapantes, comme le problème des moyens financiers, qui se pose chaque année, du fait de « l’absence de sponsors capables de prendre en charge l’événement », et la probable indisponibilité du site d’accueil de la fête, le CEM Larbi Mezani. En effet, cet établissement scolaire du deuxième pallier qui abrite l’essentiel des stands d’exposition et de vente des produits de l’artisanat, a subi d’importantes dégradations au fil des années, accentuées par les dernières intempéries du début de l’année. Des travaux de réfection et de réhabilitation de ce CEM, selon M, Boumaza, pourraient être engagés dés la fin de l’année scolaire en cours, en prévision de la prochaine rentrée. Quant aux autres lieux et sites qui pourraient accueillir cet événement, le président de l’APC de Beni Yenni, estime qu’ils ne répondent pas « aux normes et commodités, d’espace, de sécurité et de circulation pour abriter une telle manifestation ». Par ailleurs, l’arrivée à terme de l’actuelle mandature des élus municipaux, après cinq ans aux commandes des APC, est un autre motif pour que ces derniers ne s’engagent pas sur la préparation et la programmation d’un aussi important événement, qu’ils ne sont pas certains de mener à terme. « Au mois de juillet, il se peut bien qu’on nous demande de rentrer chez nous, à trois mois de la fin du mandat, comme le stipule la nouvelle loi sur la commune », ont-ils tenu à signaler. Depuis quelques années, la fête du bijou des Ath Yenni, contrairement à celles du tapis et de la poterie, constitue à chaque fois un sujet de « spéculations » politiques, administratives et financières. Tantôt, elle s’organise en salon du bijou, tantôt en carrefour commercial, selon les « différents » intervenants dans son organisation ou son parrainage et donc, selon les moyens financiers qui lui sont alloués. L’an dernier, du fait de la cherté de l’argent et du corail (matières premières essentielles au bijou) et leur absence du marché « formel » au niveau d’AGÉNOR, cette fête a failli d’ailleurs être annulée. Il a fallu que le président de l’APC de Beni Yenni intervienne personnellement auprès du premier responsable d’AGÉNOR pour que les artisans de Beni Yenni « bénéficient » d’un petit quota d’argent au prix de 140 000,00 DA le kilogramme. « Avec des prix oscillant entre 110 000 et 140 000 DA le kilo d’argent et pas moins de 250 000 DA le kilogramme de corail, qui plus est, de mauvaise qualité je vous laisse tirer vos conclusions sur la possibilité de continuer à exercer ce métier de la bijouterie par les véritables et authentiques artisans », nous fera savoir un bijoutier qui, devant la multiplication des intermédiaires et des spéculateurs dans ce créneau sensible, a du se mettre aussi à la « commercialisation de l’or pour assurer le gagne pain de ma famille ».
Par ailleurs, nous avons appris que malgré toutes ces contraintes, au demeurant, connues de tous les responsables du secteur de l’artisanat à tous les niveaux, l’association des bijoutiers des Ath-Yenni, selon un de ses membres, n’a pas encore tranché concernant « l’organisation ou non de cette fête, car ses membres sont toujours en concertation ». Enfin, il y a lieu de signaler que le projet de la maison de l’artisanat des Ath Yenni, promis depuis de langues années par l’ancien ministre MSP de l’artisanat, vient de connaître un démarrage, mais sur les fonds des …PCD (plan Communaux de Développement).
Signe qu’en l’absence d’une véritable politique de soutien et de gestion, par les pouvoirs publics de ce secteur comme de tous les autres, qui passerait par la concertation et l’association des artisans eux-mêmes, les métiers de l’artisanat et de la bijouterie, en particulier, risquent de disparaître entraînant aussi la disparition d’une partie importante de l’âme de Kabylie et de son histoire.
Nassim Zerouki