Plaidoyer pour la lecture

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La Journée mondiale du livre a été fêtée ce 23 avril un peu partout dans le monde dans le cadre de sa 17e édition. Instituée par l’Unesco, la manifestation de cette année porte sur les thèmes de la traduction et de la protection des droits d’auteur. Au-delà des thèmes retenus pour cette année, la Journée mondiale du livre est censée rappeler les pouvoirs publics, les éditeurs, les associations et l’ensemble des acteurs agissant dans le domaine de la culture à leur devoir de se pencher sur la politique du livre et de la lecture. A l’occasion de la Journée mondiale du livre, l’on apprend de la part de Hassan Bendif, directeur du nouveau Centre national du livre, que dès la prochaine rentrée scolaire, il sera procédé à l’application de la convention entre le ministère de la Culture et celui de l’Education nationale portant sur l’introduction de lecture dans les écoles en tant que matière à part entière. Le même responsable fait état de « la mise en place prochainement d’une commission chargée d’étudier les tendances du lectorat afin de faciliter, l’évaluation des œuvres par les éditeurs ».

Les retards enregistrés en Algérie dans le domaine de la production de livres et surtout dans l’activité de la lecture sont immenses. L’on sait que les opportunités offertes à la presse nationale d’ouvrir sur un événement littéraire (sortie de livres, conférences relatives à la littérature,…) sont plutôt rares. La matière même inhérente aux fiches de lectures ou à la critique littéraire n’est plus une denrée qui impose sa présence dans nos tabloïds. Bien entendu, la production littéraire brasse un éventail assez large de genres pouvant faire l’objet de publication : littérature de fiction, poésie, théâtre, essais, études sociologiques ou politiques,…etc.

La réponse, pour ceux qui sont tentés par la superficialité de l’analyse, est toute trouvée : la production d’un livre qui mérite l’attention des médias et du lecteur serait plutôt une exception qu’une règle. On justifie également le manque d’intérêt accordé à l’actualité du livre par l’absence d’un lectorat potentiel. La génération qui a hérité du réflexe de la lecture à partir des obligations de l’école coloniale tendant de plus en plus à disparaître, il ne reste que les jeunes arabisants qui baragouinent l’arabe et se sentent étrangers au français. Quant à l’exploitation de la nouvelle littérature en tamazight, elle semble se confiner, jusqu’à présent, dans certains cercles (associations culturelles) et dans les écoles où cette langue est enseignée.

La scène éditoriale algérienne s’étoffe pourtant chaque jour davantage. Des éditeurs privés ont pu relever le défi de la disparition de l’ancienne maison d’édition étatique. Une devise, plutôt slogan démagogique, colportée sous le règne de l’économie administrée et du parti unique disait que le peuple avait besoin de livres de la même façon qu’il avait besoin de pain. Cependant, ce slogan n’a jamais été suivi d’effet. Dans une surenchère de zèle, d’hypocrisie et de paternalisme de mauvais aloi, l’on était allé jusqu’à vouloir ‘’enlever au peuple le droit d’être un âne’’, formule empruntée à Fidel Castro.

On sait aujourd’hui ce qu’ont valu pour la jeunesse algérienne ces errements idéologiques. Les lecteurs se réduisent en peau de chagrin. L’école n’assure plus le minimum de formation (formation dans la langue et éducation du goût de la lecture). Le monde du livre et de la lecture, particulièrement sous la terrible et incontrôlable pression des autres moyens de divertissements incarnés par l’internet et les chaînes satellitaires, régresse dangereusement et connaît ses heures les plus sombres depuis que, il y a deux millénaires, le livre et le lecteur ont commencé l’aventure qui les a réunis dans un dialogue fertile et foisonnant.

Il y a lieu de constater que l’univers du livre ne se limite pas à la seule complicité auteur lecteurs, même si, en définitive, ces deux agents constituent les vrais tenants et aboutissants d’un processus magique qui n’a cours ni dans le domaine de l’industrie, ni dans les autres secteurs ou catégories de l’activité humaine. La lecture est définie par Valéry Larbaud comme un ‘’vice impuni’’ ; l’écriture, non plus, n’est pas loin de cette définition. Mais que représentent ces deux faces d’une même médaille dans la vie culturelle de notre pays ?

Amar Naït Messaoud

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