Les durs chemins de la persuasion

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Amar Naït Messaoud

La campagne électorale qui vient de s’achever a fait s’époumoner des centaines de candidats pendant 21 jours, sans que nous ayons la certitude que la persuasion ait été au rendez-vous. Tous les thèmes, même les plus excentriques, ont été évoqués, convoqués et triturés pour faire passer un message dont on oublie souvent qu’il doit être porté par un candidat lui-même convaincu de la cause qu’il défend. Tel ne fut le cas que rarement, lorsque quelques prétendants au poste de député ont bien voulu s’adresser à la raison, et non jouer sur la corde usée des sentiments, voire de fantaisistes desiderata. Le pari majeur est sans doute celui de la participation. L’on se souvient du camouflet de mai 2007, lorsque l’APN a été installée avec le lourd handicap d’un taux de participation de 35%. En plus des partis et des candidats indépendants qui entrent dans la course de jeudi prochain, l’on parle d’un déplacement de Bouteflika ce mardi à Sétif dans une visite où il entend rallier le maximum de voix à la participation. En tout état de cause, on serait mal fondé à vouloir feindre les appréhensions du pouvoir politique par rapport aux taux de participation; car, on compte dans la sphère dirigeante, par les législatives de jeudi, consacrer des réformes en « douceur » pour ne pas avoir à vivre un imprévisible printemps chaotique, à l’image de ce qui se passe actuellement dans une grande partie du monde arabe. Les candidats ont-ils été à la hauteur d’un tel enjeu? Ont-ils eu le charisme et l’aura dont dépend toute relation émetteur-récepteur, particulièrement dans ce domaine particulier qu’est l’activité politique? Tout en étant fort contrastée, la tendance lourde qui se dégage de cette campagne est, si on peut se permettre l’expression, celle du  »tout venant ». Rarement de futurs députés ont « rasé les mottes » à aussi basse altitude. Il est vrai que la multiplication du nombre de partis a multiplié…les promesses oiseuses à qui mieux mieux, les rodomontades et les bourdes. Comme l’avenir est « une suite de quotidiens », selon un mot d’esprit d’un ancien Premier ministre français, l’on ne peut se permettre d’aller dans des conjectures- où serait entrevu et intégré le bonheur futur des enfants d’Algérie-tout en faisant table rase du présent, présent qui est en train de se construire laborieusement dans un contexte d’un malentendu persistant entre gouvernants et gouvernés; ce malentendu qui dure depuis des décennies est assis sur une opposition d’intérêts et est alimenté par une patente inculture politique. De graves frictions en sont nées et ont clairement déteint sur la marche de la République et la vie des citoyens. Ces citoyens sont appelés à choisir jeudi prochain leur bulletin de vote dans une un isoloir qui a été fréquemment sollicité au cours des vingt dernières années, et ce malgré la peu brillante situation sécuritaire du pays au cours de la décennie 1990. Cette démarche de solliciter à un grand rythme le corps électoral était, à son époque, qualifiée par notre journal d »’industrie électorale ». Elle tenait presque d’un harcèlement, tant que les citoyens, après une dizaine de scrutins nationaux et locaux, ne voyaient rien venir sur le plan de la démocratisation des institutions, de l’amélioration du pouvoir d’achat et de l’éloignement des grands fléaux de la société (harga, suicide, immolation, banditisme, résidus de terrorisme,…). En quoi le rendez-vous de jeudi prochain peut-il marquer sa différence avec les scrutins passés? Certes, le contexte régional du Printemps arabe- même s’il est entouré de la plus grande confusion en étant perverti par des forces rétrogrades- est une donnée qui, en principe, est censée militer pour une consultation électorale empreinte d’un maximum de transparence et d’honnêteté.

Cependant, le niveau politique, tel qu’il a été dangereusement ravalé pendant la campagne électorale par la myriade de partis et les dizaines de listes d’indépendants, ne présage pas une  »révolution » politique immédiate. Le populisme, la démagogie et le sens de l’affairisme animant certains candidats ont jeté scepticisme et doute chez beaucoup de citoyens. Ce sont des tares qui n’ont été permises que par une mortelle cupidité et une profonde inculture des concernés. Le comble est que cette forme de déréliction est fortement sustentée par l' »attractivité » de l’institution convoitée, à savoir l’Assemblée populaire nationale. Une attractivité faite d’un salaire luxueux, mais pas seulement.

Le poste politique dans notre pays demeure malheureusement toujours prisonnier de cette vision  »affairiste » où se mêlent influences, privilèges et immunité. L’on nourrit même le secret désir de transformer cette dernière en impunité. Voilà le grand défi: celui de casser cette logique infernale pour espérer imposer une « révolution parlementaire ». C’est en donnant des signes qu’elle se départira des tares et des grands handicaps qui la paralysent, que l’APN pourra acquérir estime et respect, et qu’elle pourra se déployer dans une noble combativité à commencer par celle qui lui fera abandonner le peu flatteur sobriquet de « caisse de résonnance ».

C’est à ce prix que le camp des démocrates républicains pourra faire une entrée honorable dans l’Hémicycle et que le jeu des islamistes se dévoilera au grand jour lorsque, acculés par la transparence et l’efficacité des institutions élues, ils auront du mal à faire valoir un quelconque paradis sur terre en dehors des valeurs du travail et de la citoyenneté.

A. N. M.

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