L'hypothèse Belkhadem ou les vertus du panache politique

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Si les pouvoirs publics sont globalement tentés de se gargariser d’avoir tiré leur épingle du jeu- malgré certaines irrégularités que l’on dit ‘’sans incidence’’ sur le résultat final, le scrutin législatif de jeudi dernier interpelle solennellement et de manière grave tous les Algériens, à commencer par le pouvoir politique et les partis. Ces derniers, qu’ils aient participé au processus électoral ou qu’ils l’aient boycotté portent indubitablement la responsabilité d’une chute aux enfers de la conscience politique en Algérie. Certes, le recul de l’ampleur de la fraude, traditionnellement « métier » dont raffole l’administration, n’a mis à nu qu’une situation de fait, connue depuis longtemps, celle du manque d’engouement -pour ne pas dire plus- des Algériens à la chose politique. À quelques éventuelles erreurs près, nous devons supposer le taux de participation de 42,30 % comme étant vrai. Bien qu’il soit supérieur à celui de 2007, il demeure cependant faible, et c’est là un phénomène grave qui risque, s’il est appelé à perdurer, de compromettre l’avènement de la modernité politique dans notre pays. Après tous les discrédits qui ont grevé la dernière législature (composante, mode de fonctionnement, interférences,…), ne voilà-t-il pas que l’on prolonge ces handicaps par un déficit de représentativité au sein de l’instance parlementaire. En tout cas, la classe politique, anciens et nouveaux partis, ainsi que l’élite algérienne viennent de subir un examen grandeur nature. Toutes les analyses qui ont été faites sur le fossé qui existe entre les organisations politiques et le peuple viennent d’avoir leur triste confirmation..

Les premières réactions de certains partis participent de l’auto-flagellation, laquelle, de proche en proche, les mènera maladroitement à battre leur coulpe. Mais, cela ne suffit visiblement pas dans un pays où tous les repères sont brouillés. L’école ne forme pas à l’éducation civique de façon à ce que les institutions de la République fassent partie de l’imaginaire de la jeunesse. Ce ne sont certainement pas les scrutins de la décennie 1990 ayant eu lieu en pleine période du terrorisme qui serviront d’exemple du devoir de citoyenneté. Ce panel d’exercices électoraux, plus subi que sereinement vécu, a même contribué à discréditer l’acte de vote. Avec cette désaffection des urnes par les Algériens, une erreur de jugement doit être tout de suite évitée. Ceux qui ont boudé les urnes n’ont, dans leur écrasante majorité répondu à aucune consigne d’un parti ou d’une personnalité. Ces derniers devraient se garder d’en tirer un quelconque motif de fierté. La seule consigne qui puisse expliquer une telle déconvenue du scrutin législatif est celle d’un ras-le-bol général d’une population qui ne comprend pas la situation de surplace dans lequel a été mis le pays malgré une embellie financière sans précédent.

La révélation des graves cas de corruption dans les sphères sensibles de l’État, la persistance inexpliquée du terrorisme dans certaines régions du pays, après sa mise à mort à la fin des années 1990, l’amplification des inégalités sociales et d’autres situations d’impasse qui frappent de larges franges de la population, tous ces éléments, et d’autres encore qui restent à diagnostiquer, se sont ligués dans une vaste conjuration pour diluer et éloigner la conscience politique chez notre jeunesse. Dans ce contexte, la nouvelle Assemblée nationale est appelée à un surcroît de pragmatisme pour pouvoir surpasser le complexe de la représentativité. De son côté le pouvoir politique est logiquement tenté de vouloir donner le change aux électeurs et non-électeurs dans un casting manquant visiblement de crédibilité tare générée par le péché originel du processus qui a donné naissance à la composante de l’Assemblée.

Le sens des responsabilités devrait conduire la nouvelle Assemblée- conjointement avec un Exécutif que tout le monde souhaite qu’il soit à la hauteur de cette tâche historique- à envoyer de signes politiques forts en direction de la jeunesse de ce pays qui attend des changements profonds dans sa vie quotidienne. Il ne serait sans doute plus séant de parler d’un quelconque printemps dans une logorrhée qui, visiblement, ne rapporte rien. Il semble que l’un des signes forts de ce que l’on pourrait considérer comme une espèce de détente politique devrait être la nomination d’un Premier ministre qui sache transcender les clivages et le sectarisme politique.

De prime abord, aussi bien pour des considérations liées à la vie de son propre parti que pour l’image que l’on devra donner de la nouvelle institution législative, il serait certainement un message d’œcuménisme politique et d’intelligence stratégique que d’exclure l’hypothèse Abdelaziz Belkhadem en tant que Premier ministre.

Le contraire signifierait une aggravation des clivages politique dans notre pays, clivages dont on gagnerait à faire l’économie dans ces moments de tension politique, économique et sociale extrême.

Le sujet est d’autant plus sensible que la présente Assemblée est appelée à réviser la Constitution du pays. Sur un autre plan, un chef d’Exécutif jouissant d’une haute vision de l’État et d’un charisme de rassembleur saura certainement sauver la mise et faire oublier les quelques griefs qui sont, à chaud, faits à la composante de la nouvelle l’Assemblée populaire nationale.

Les chantiers législatifs- faits de dossiers décisifs liés à la vie de la Nation- qui attendent le Parlement méritent bien ce panache et cette vision patriotique.

Amar Naït Messaoud

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