Elles sont 331 personnes à être passées à l’acte en mettant fin à leurs jours depuis 2007 dans la wilaya de Tizi-Ouzou. C’est ce qui ressort d’une étude consacrée au sujet, lors des journées nationales sur le suicide initiées par le CHU de la ville.
Le suicide, phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur à travers le monde, n’épargne pas l’Algérie. C’est d’ailleurs ce que n’ont cessé de relever les participants aux journées nationales, consacrées au suicide, qui ont lieu depuis hier au Centre hospitalo-universitaire Nedir Mohamed de Tizi-ouzou. La région connaît chaque jour des décès liés au suicide.
Les spécialistes ont tenté de se pencher sur la question au niveau du Centre hospitalo-universitaire de Tizi-ouzou à l’occasion d’une journée nationale sous le thème de « L’actualité sur le suicide en Algérie, prise en charge et perspective ». A Tizi-ouzou et au cours de la période allant du premier janvier 2007 au 15 janvier 2012, 889 tentatives de suicide ont été relevées au niveau de la wilaya. 217 cas ont été enregistrés pour la seule année de 2011. Suivie de l’année 2007 avec 201 cas, et 2008 avec 199 cas enregistrés. Les suicidés eux sont au nombre de 331 cas enregistrés dans la période allant du 1er janvier 2007 au 31 mai 2012 et ayant fait l’objet d’autopsie au niveau du CHU, selon le Pr Ziri, directeur général du CHU de Tizi-ouzou, qui a accompli avec son équipe deux études sur le profil clinique et épidémiologique des auteurs des tentatives de suicide ainsi que le profil des suicidés dans la wilaya. A partir des chiffres donnés et en procédant à un petit calcul, l’on peut savoir, qu’approximativement, une moyenne de 177 cas de tentatives de suicide sont enregistrées chaque année à Tizi-ouzou, 14 par mois, deux par semaine. Les suicidés représentent, selon les statistiques, une moyenne de 66 cas par année, de 5 cas par mois et d’une personne qui met un terme à ses jours chaque semaine. Les femmes viennent en première position des tentatives, avec 640 cas recensés par l’étude lors de la même période, alors que les hommes sont beaucoup plus nombreux à réussir leur acte avec 258 cas.
616 désespérés sont des célibataires
La tranche d’âge la plus touchée par les tentatives de suicide demeure, selon le Pr.Ziri, celle entre 16 et 23 ans, avec 443 cas soit 49.83% du total des tentatives. Suivie de celle des 24-31 ans avec une moyenne de 24.74% soit 220 cas. Les suicidés, eux, ont en grande partie entre 30 et 40 ans avec 83 cas sur les 331 ayant fait objet d’autopsie au niveau de l’hôpital de Tizi-ouzou. Cela n’empêchera pas le directeur général du CHU de dire que les personnes ayant entre 20 et 30 ans sont les plus prédisposées à passer à l’acte. Le nombre des célibataires à tenter de mettre fin à leur jours est plus élevé avec 616 cas contre 227 chez les mariés. Parmi les personnes qui ont réussi leur acte, figure aussi un plus grand nombre de célibataires avec 171 cas dont 48 femmes. Selon la même étude, les moyens utilisés par les suicidants reste en premier lieu l’ingestion de médicaments avec 601 cas sur les 889 enregistrés. Alors que les personnes ayant réussi leur acte sont principalement des victimes de la corde. 280 personnes suicidées se sont, en effet, pendues selon cette même étude. L’étude fait aussi ressortir que le domicile familial et plus favorisé pour le forfait, et que les habitants des milieux ruraux sont les plus exposés avec 535 cas du total des tentatives. L’étude surclasse les chômeurs avec 355 cas, les étudiants représentent 19.91% du total des tentatives échouées. Au niveau national, le taux de personnes ayant mis fin à leur jours et tout aussi effarant. En effet et selon la gendarmerie nationale, 335 suicides et 1 865 tentatives de suicide ont été enregistrés durant l’année 2011.
77.94% des suicidés sont des hommes
Les wilayas de, Bejaïa, Tizi-Ouzou, Bouira, Tlemcen, Oran, Skikda et Mila restent les plus touchées par ce fléau, selon le même corps de sécurité. Par ailleurs, et si le suicide demeure une pathologie sociale à laquelle il faut trouver un remède, le suicide des enfants est encore plus inquiétant. Un phénomène qui est apparu dans la région et qui continue de soulever des interrogations. Selon M.Lanak, secrétaire général à la direction de l’éducation de Tizi-ouzou, la prise en charge psychologique demeure un point essentiel dans la prévention contre ce fléau. « Il faut faire en sorte d’installer une cellule psychologique au niveau des écoles pour un suivi psychique permanant des élèves ». M.Lanak qui s’exprimait sur les cas des 3 enfants, dont l’âge allait de 11 à 12 ans qui ont mis fin à leurs jours au niveau de la wilaya de Tizi-ouzou, signalera qu’il faut demeurer attentif aux comportements des individus : « Comme les grandes personnes, les enfants font toujours référence à ce qu’il ont en tête, par des faits, des paroles ou des gestes auxquels il faut prêter attention. Certes, un enfant n’a pas la notion de la mort, mais la plupart d’entre eux agissent juste pour attirer l’attention sur eux, notamment celle des parents. Ils croient que le simple fait de les secouer finirait par les faire revenir près de leurs parents. Mais malheureusement ce n’est pas le cas, et le résultat demeure désastreux». De son côté le Pr.Ziri, directeur général du CHU de Tizi-ouzou, pense que les causes demeurent méconnues et doivent faire l’objet de recherches approfondies : « On a tendance à penser directement à l’échec scolaire pour expliquer un tel geste de désespoir. Mais ce ne sont que des suppositions.
105 cas de récidive
D’autres mettraient en cause la relation entre l’enfant et ses parents. La frustration affective pourrait, en effet, être une des causes qui peuvent pousser un enfant à mettre fin à ses jours ».
Le Pr.Ziri ajoutera : « Au même âge qu’avaient les enfants qui se sont donné la mort, nous avions à peine la notion de ce qu’était la mort. Nous ne sommes pas là pour accabler qui que ce soit, ni l’école ni les parents, encore moins l’enfant, il faut chercher à comprendre afin d’éviter que cela se reproduise.
Car même s’il est rare, voire même très rare, ce comportement ne doit pas être ignoré ». Le suicide reste un phénomène obscur, et les tentatives de suicide qui sont de plus en plus nombreuses sont toujours dominées par des récidives qui peuvent finir par réussir. En effet, les tentatives sont, selon le Pr. Laidli, à prendre au sérieux pour la complexité du sujet, l’auteur d’une tentative de suicide peut rechuter à n’importe quel moment. Selon la même étude, sur les personnes ayant essayé de franchir le pas, 105 sont des récidivistes, dont 56 en sont à leur 2ème tentative et plus. L’hospitalisation est l’unique moyen d’éviter que cela se reproduise, en plus de l’information, de la formation des praticiens et la garantie de l’accès aux soins psychologiques, tablent les spécialistes.
Par ailleurs, les statistiques, même en étant explicites, ne reflètent pas toujours la réalité car, selon les spécialistes, il existera toujours des dissimulations par les familles et des camouflages, en accidents notamment.
T. Ch.