Quelle stratégie pour la solution finale ?

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Par Amar Naït Messaoud:

Si la scène politique se fait connaître, depuis le 10 mai dernier, plus par les mille gesticulations périphériques, les dissensions à l’intérieur des partis et le foisonnement des contestations organiques au point de déborder sur la rue, que par une marche hardie vers la démocratisation des institutions qui permettrait un sursaut de développement et social et économique, la scène sécuritaire se manifeste, ces derniers jours, par un regain de violence qui a pour théâtre le centre du pays et principalement le Kabylie. La scène vécue la semaine passée par la petite ville de Larbâa n’Ath Ouacif fait remonter en surface tout le traumatisme que l’Algérie a vécu pendant plus d’une décennie où le lance-roquette artisanal (hab hab) a rivalisé de violence et de puissance de feu avec le sabre et la kalachnikov. Avant-hier, c’est un policier en ronde devant le siège de la wilaya de Bouira qui a été assassiné par des terroristes à bord d’un véhicule de passage à une heure du matin. Quelques jours auparavant, la horde terroriste a tenu à manifester violemment sa présence sur la route de Yakourène et dans la région de Mizrana. Il est vrai que la riposte entreprise mardi soir par les services de sécurité dans la vallée de Takhoukht a porté ses fruits en éliminant une dizaines de sanguinaires. Mais, la subite montée du péril terroriste ne manque de susciter de légitimes interrogations auprès d’une population éreintée par vingt années de violence, autant d’années de “transition” économique et les incertaines perspectives de libération du champ politique. Quelque part, existerait le dessein de faire durer le plus longtemps possible les “valeurs-refuges” du parti unique, l’option définitive de faire triompher l’économie rentière qui ne profite que pour une caste, et de sustenter l’insécurité permanente qui permet à certains de nager tranquillement en eaux troubles. C’est que la jonction entre la mafia de l’économie informelle, le banditisme de grand chemin et les reliques du terrorisme islamistes n’est pas une vue de l’esprit. Elle tente de prendre en otage toute la société pour lui éviter une quelconque alternative démocratique viable. A-t-on évité le printemps arabe- dont on voit les conséquences au Caire, à Tunis, à Damas, à Tripoli- pour s’enfermer dans une nouvelle ère de glaciation, alors que les Algériens ont devancé tout le monde arabe dans la revendication d’un mieux-être sociale et d’un nouvel ordre politique plus juste?

Il faudrait sans doute être trop ingénu pour penser que les procédures ou autres formalités administratives- à l’image des élections législatives par lequel notre pays vient de renouveler le mandat de ses députés- aussi généreuses et aussi rationnelles qu’elles soient, puissent, à elles seules, redresser une situation historiquement tordue ou installer un climat de dialogue civilisé lorsque la culture politique ambiante tarde à accéder aux règles et canons de la modernité préférant continuer à défendre des intérêts personnels que permet la distribution de la rente.

Devant de tels cafouillages politiques et de tergiversations faussement tactiques, la déréliction humaine de la jeunesse continue et atteint des abysses jamais égalés auparavant. Harga, H’riga (immolation par le feu), pendaison, banditisme, rébellion permanente dans les quartiers et sur les routes, émeutes,… la série des signes de détresse est trop longue pour être énumérée. Que compte la nouvelle Assemblée nationale entreprendre pour redonner espoir aux déçus et aux déchus de la société algérienne?

Comment éloigner la fatalité de la violence terroriste après tous les textes réglementaires visant sa neutralisation (lois sur la Rahma, la Concorde civile, la Charte pour la réconciliation nationale)? Juste avant les dernières législatives, une partie du courant islamiste a tenté de faire pression sur le pouvoir politique pour obtenir l’amnistie générale pour tous les terroristes. Il a fallu l’intervention officielle à la télévision du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, pour démentir l’existence d’un tel projet et, en filigrane, l’opposition ferme du noyau dur du pouvoir à un tel traitement de la donne terroriste. Une donne qui, en réalité a le sort scellé par les coups durs que les services de sécurité lui ont porté. La défaite militaire de ce mouvement est indéniable, même si sur nos frontières sud (Sahel) des efforts restent encore à accomplir. Ce qui jette malaise et incompréhension chez les franges les plus éclairées de la société c’est la sustentation des germes de l’intégrisme dans les instances éducatives, culturelles et médiatiques au moment où le pays est officiellement entré dans les réformes politiques, censées asseoir les bases d’un nouveau processus démocratique. Face à la capacité de nuisance et au degré de dangerosité dont il peut encore se prévaloir- comme on a eu à le vivre ces derniers jours à Ouacif, Mizrana et Bouira- le terrorisme doit recevoir un traitement global où le combat sécuritaire, la redynamisation politique de toutes les instituions du pays, la relance économique et la lutte idéologique contre l’intégrisme sont censés être des actes solidaires et synergiques.

A. N. M.

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