Situé à l’extrême nord ouest de la commune de Saharidj, agglomération frontalière avec la wilaya de Tizi-Ouzou, du côté du versant sud de Djurdjura, le village de M’zarir se voit vider progressivement, au fil des ans de sa population, qui, à la moindre occasion, le quitte pour la plaine, dans les communes de M’Chedallah, Ahnif, El-Adjiba, mais sans rompre les amarres, ayant des attaches sentimentales avec le sol natal, des figueraies à entretenir et des familles à visiter. Toutefois, la population ‘’résiduelle’’ du mouvement d’exode des années de terrorisme, en optant pour la résistance au prix de grands sacrifices en vie humaines, ne compte pas laisser dépérir et livré à l’abandon ce village où la vie est un combat au quotidien. Car, aussi belle qu’elle soit, la nature ne manque pas d’être rude avec ses hivers froids et neigeux, et l’éloignement des centres urbains et de leurs commodités relatives à la disponibilité des établissements scolaires, des lieux de loisirs, des voies de communications terrestres et téléphoniques et du gaz de ville. La bourgade compte une école primaire, une salle de soins, un détachement de la garde communale, une mosquée, une aire de jeu comme patrimoine public, et comme don du ciel qui fait sa réputation, sa distinction et sa fierté la célèbre source noire qui alimente en eau potable toutes les communes de Saharidj, M’Chedallah, Chorfa et Ighrem (commune de Ahnif). Les élèves des cycles moyens et secondaires sont scolarisés au collège de Beni Hammad, à quelques dizaines de kilomètres et au lycée du chef-lieu de la commue de Saharidj et d’autres au chef-lieu de daïra de M’Chedallah. Ces potaches ont la chance de disposer du ramassage scolaire mis à leur disposition par le commune, à l’inverse de leur parents qui doivent se contenter, pour ceux qui ne disposent pas de leurs propres véhicules, de fourgons à l’état vétuste et dont l’irrégularité des rotations est aléatoire, conditionnée par le souci du conducteur de faire le plein de voyageurs. L’élevage bovin, l’arboriculture où domine le figuier et la vigne ainsi que l’apiculture, sont les activités économiques essentielles en ces lieux, qui, l’espace d’un été reprennent leur attractivité pour voir revenir émigrés et exilés de ‘’l’intérieur’’ pour des séjours agrémentés de lait frais de vache et ses dérivés, tels que le beurre (udi), le lait caillé (ikil), le fromage (lajven), la volaille et les œufs qui sont autant d’ingrédients aux plats du terroir, comme ‘’erfis’’, un plat fait à base de galette découpée en petit morceaux, couvert au dessus d’œufs émiettés, auxquels on y ajoute un fois irrigués de lben et du beurre. Au delà du coté exotique propre à émerveiller un visiteur, ou réveiller des nostalgies chez les revenants vacanciers qui ont des attaches et des souvenirs avec leur terre natale, les gens qui y habitent ont bien des choses à reprocher aux responsables locaux, dont ils dénoncent l’abandon d’autant plus douloureux qu’ils ne se sentent l’objet d’attention qu’à l’occasion où leur vote est convoité pour l’accès à la mairie ou à la députation. Lors de notre passage, ils nous l’ont fait savoir sans mâcher leurs mots. «Dans une localité regorgeant d’eau et qui alimente toute une daïra, notre quartier est depuis une semaine sans eau, par la faute d’un vice dans la réalisation du réseau du village, où le tracé de la conduite n’a pas pris en compte les différences de niveau entre le bas et le haut de l’agglomération. Ce qui fait que par la différence de niveau, la pression est toujours favorable pour la partie basse», nous dit un habitant ayant sa résidence à l’entrée du village, en contre bas de la route qui y conduit. «Nous avons adressé notre réclamation à la mairie, mais l’attente s’avère longue», poursuit-il, non sans récrimination. Rappelons que l’eau potable a été acheminée non pas de la source noire, située à très basse altitude par rapport au village, -ce qui ne peut se faire qu’à coût de milliards puisque nécessitant un refoulement en pente avec des pompes de grande puissance, des installations électriques, en plus des conduites soumises à de fortes pressions et des pannes pouvant toucher les installations- mais à partir de la source dite de La porte blanche (tabourt tamellalt) située à l’amont, ayant donc l’avantage gravitationnel dans l’écoulement de l’eau. Et un autre d’ajouter : «Les maisons qu’on voit là-bas, sur cette crête, n’ont pas d’assainissement, car très loin de la conduite principale qui leur est inaccessible pour différentes raisons, entre autres les moyens financiers exigés par l’opération de branchement individuel rendu à leur charge et qui est difficile en terrain rocheux. Les fosses septiques comme palliatifs auxquelles on a eu recours sont une menace certaine et inévitable pour la source noire située en aval et qui alimente toute une daïra. Peut-être qu’on attend une catastrophe pour s’en apercevoir et agir».
Et un autre d’enchaîner qu’un programme de développement dans le cadre du PPDRI, avec le concours de l’union européenne, inscrit au profit du village, personne n’en sait où en est l’opération. Le gaz de ville, l’Internet, une salle de sport, un coin de loisir comme une maison de jeunes, sont autant de manques qui rendent la vie pour la jeunesse très morne qui leur fait écrire sur un parapet d’un pont en bordure de la RN30 : ‘’Houna tantahi el hayat’’, autrement dit, «ici s’achève la vie». Ils attendent d’être démentis.Ces montagnards, pour ne pas être tentés par la vie plus clémente de la plaine ou de la ville, peuvent avoir droit à un développement adapté à leurs spécificités.
Mohand Meghellet
