Après la trilogie, « Djurdjurassic bled », « Un bateau pour l’Australie », « Le dernier chameau », et la pièce « Tous les Algériens sont des mécaniciens » dont les ancrages réels ou imaginaires se situaient en Algérie bien qu’émaillés de clins d’œil à la France, avec « Petits chocs des civilisations », Fellag pose, cette fois, ses valises et son regard en France. “En sortant de chez moi, un matin, j’achète comme à mon habitude la presse du jour, puis je rentre dans un bistro. J’ouvre l’un des journaux, et, un gros titre, étalé de tout son long, de la deuxième à la troisième page, me saute aux yeux. C’est pas possible ! Stupéfaction ! Ahuri, je parcours rapidement l’article… Je n’en reviens pas… J’ouvre les autres magazines… Pareil ! La même nouvelle partout : « Un sondage d’opinion affirme que le couscous est devenu le plat préféré des Français. »… C’est pas vrai… Je rêve ! Qu’est-ce qui leur arrive aux Gaulois ? Le ciel leur est tombé sur la tête ?… C’est le syndrome de Stockholm culinaire ou quoi ?… Incroyable… le couscous est arrivé en tête de toutes les recettes qui concourent sur le tour de France de la bonne bouffe… Dites-moi… chers Français de souche… derrière ce compliment exceptionnel adressé à notre plat emblématique, se cacherait-il une déclaration d’amour ? N’est-ce pas une façon détournée de nous dire que vous nous aimez enfin ?…” Sous le prétexte que ce sondage d’opinion selon lequel le couscous serait devenu le plat préféré des Français, mon personnage dans cette comédie, suppose que ce résultat est un aveu détourné d’une affection toute nouvelle que les Français ressentent envers les Maghrébins. Partant de cet heureux constat, il organise un show pour livrer aux Français les secrets de la préparation du couscous afin de sceller « la fraternité retrouvée ». Mais, comme nous sommes dans un théâtre où l’absurde le dispute au burlesque, le politique au poétique, son propos vire vite et virevolte dans toutes les directions. Le couscous devient alors un prétexte géant pour surfer joyeusement sur les graves sujets de notre temps. « Petits chocs des civilisations » joue sur les peurs, les méfiances et les clichés que les uns et les autres s’inventent pour se protéger… des uns et des autres. C’est une mise en équation humoristique des grands riens et des petits touts qui sèment la zizanie entre l’Islam et l’Occident, le Sud et le Nord, la France et l’Algérie… La France et l’Algérie qui sont mon nombril du monde, les deux mamelles de ma mère Patrie.

