“Ce n’est plus le village socialiste des années 80», tels sont les propos de la première personne rencontrée à l’entrée du village agricole d’Adila, anciennement désigné sous l’appellation de VAS (Village agricole socialiste).
Au fur et à mesure que l‘on avance à l’intérieur du village, le décor défiguré des habitations saute aux yeux, tout a changé. Le nombre des nouvelles constructions dépasse celui des anciens logements ayant la même architecture. Des annexes prévues dans cette cité tels le bain maure, le centre culturel, la mosquée, l’antenne administrative, l’école, le souk el fellah… il n’en reste que l’école, l’unité de soins et l’agence postale. Tout est à l’abandon. Le bitume a disparu des artères de la cité. Il est presque impossible de rouler en voiture. “Nous sommes abandonnés, pourtant, on nous a dit à maintes reprises que ces routes vont être goudronnées. Vous voyez, il n’y a rien», nous confie notre premier guide qui évoque aussi le manque d’éclairage public. “C’est l’insécurité totale. Vous pouvez être agressé à n’importe quel moment, même en plein jour. Il y a de plus en plus de délinquants. La situation est vraiment inquiétante», enchaîne notre interlocuteur, très nostalgique de “la belle époque”. “A notre arrivée, à la fin des années 90, nous étions tous de la même classe sociale, tous des fellahs. Aujourd’hui, c’est devenu une cité d’arrivistes», ajoute ce sexagénaire qui regrettera qu’il ne fasse pas bon vivre, comme avant, dans cette cité où « au début des années 80, c’était vraiment animé. Les veillées ramadhanesques sont aujourd’hui moroses et peintes d’inquiétude. Une fois les prières des Tarawih accomplies, il ne reste dehors que quelques jeunes qui s’adonnent à d’interminables parties de dominos jusqu’à l’aube, dans les quelques petites échoppes ouvertes spécialement durant ce mois de jeûne. Quant aux personnes âgées, elles préfèrent rentrer chez elles et passer le reste de la nuit devant le petit écran. Parfois, nous prenons le risque d’aller jusqu’à Tizi Gheniff pour y passer quelques heures, car en ville, il y a quand même du monde et on peut aussi aller siroter un café ou un thé sur la terrasse d’un café.
Routes défoncées, manque d’infrastructure, insécurité…
Ici à Adila, c’est le calme plat. Il vaut mieux ne pas sortir de chez soi ». Sur chemin du retour vers Tizi Gheniff, nous découvrons un autre village, celui de “Marako” sur la RN68. Là à l’opposé d’Adila, c’est très animé tout le monde bouge. Les locaux aménagés et ouverts spécialement pour les soirées de ce mois de jeûne étaient tous pleins à craquer. L’on entend des brouhahas qui parviennent de garages où des jeunes et quelques personnes âgées jouent au loto. Tout le long de la route, de petits vendeurs étalent leurs produits (Zalabia, gâteaux traditionnels, melon, pastèque…). « Ici, tout le monde se connaît. On est presque de la même famille, mais là-bas, à Adila, il y a beaucoup d’étrangers arrivés d’Alger, au milieu des années 80, et relogées dans une autre cité juste à côté. C’est là la différence», nous dit un jeune qui gère un petit café maure. Arrivé à Tizi Gheniff vers minuit passé les terrasses des cafés et la rue principale étaient bondées de monde. Il n’y a pas que les résidents de la ville, mais aussi des «veilleurs» venus de toute la contrée. Bien que sur le plan de l’animation culturelle c’est la « déche », il n’y a ni spectacle ni gala au programme, mais il faut tout de même dire, que les veillées sont animées et se prolongent jusqu’au petit matin.
Amar Ouramdane

