Autour de la représentativité dans la région des Igawawen (5)

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Par Abdennour Abdesselam

Le différend s’en ira grandissant, entre Chikh Mohand et Chikh Aheddad,; quand celui-ci apprendra que son disciple refusait de prélever l’impôt religieux dit « Laâchour » en raison, avions-nous déjà dit dans notre précédente chronique, qu’il considérait le très bas niveau de vie de la société kabyle. Aussi le lui a-t-il reproché sévèrement. Il lui dira : Aygher akka tettakedh lewrad s ufarez n tmellalt? (pourquoi conseilles-tu les gens gratuitement ?). Dans « Inna-yas Ccix Mohand », Mammeri rapporte que c’est le Chikh Achour des Ait Boutetchour (village voisin d’Ath Hmed) qui rapporta cela au Chikh Aheddad. La coïncidence voulait que Chikh Achour soit justement présent lors de la confrontation. Naturellement, Chikh Mohand le savait déjà. Il dira subtilement : « Ccikh Aacur berka-t laâcur ; ahheq At Butetchour ; Ccix Muhend ma yetcha laâcur ; ay axxam-ik ay Aheddad ;a d-yeqqim al’ahichour » (Que le rapporteur Chikh Achour cesse de prélever l’impôt, je jure par les Ait Boutetchour que Chikh Mohand ne pratiquera jamais cela et que de ta demeure, à toi Aheddad, il n’en restera plus que du foin). Chikh Mohand confirme et refuse catégoriquement de prélever l’impôt religieux. Il va même considérer ce prélèvement comme étant une offense au citoyen et qu’il se pourrait qu’un jour le Chikh Aheddad en répondisse. Chikh Aheddad est alors désemparé. Il changea brusquement de registre. Il savait que Chikh Mohand avait perdu son unique fils. Il lui dira par ce détour inattendu: « Uheq at zzan ; d imehzan ; d kra yettâziren i yitran ; ar axxam at Lhusin ; arrac ur ten-rban » (par ceux qui ne font que subir ceux pétris dans la tristesse et ceux qui veillent péniblement sous les étoiles que la branche des At Lhoucine disparaîtra sans descendance). Chikh Mohand répliqua alors : « Uheq imeghban ; d imehzan ; d widak yezzan ; imi themmledh at wexzan ; ad zlegh idarren-iw ; ad zgregh i wasif ad flegh i tizi ; w’illan d sidi yekkes-i. » ; (je jure par les pauvres gens ; ceux pétris dans la tristesse ; et ceux qui ne font que subir ; puisque tu préfères ceux qui thésaurisent ; que je resterai libre de mes gestes ! ; et m’en irai d’ici traversant le col ; et défie quiconque s’y opposerait). Il n’est pas anodin que dans cette réplique Chikh Mohand commence par citer d’abord les pauvres gens « imeghban » avant tout autre. C’est ici toute l’expression de la préoccupation permanente qu’il avait de l’affligent niveau social de la communauté kabyle de l’époque.

Abdennour Abdesselam ([email protected])

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