Une autre politique est-elle possible ?

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Par Amar Naït Messaoud

La paralysie politique qui a succédé aux élections législatives du 10 mai 2012 vient d’être, du moins partiellement, levée par l’annonce du nouveau gouvernement dirigé par l’ancien ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal. Partiellement, parce que le reste du réveil politique capable de se hisser au diapason des enjeux de la rentrée et des échéances prochaines (élections locales du 29 novembre et révision constitutionnelle en 2013) demande encore à être arboré et mis en œuvre. C’est ce qui est attendu du nouvel Exécutif après un été torride et un Ramadhan éprouvant frappés du sceau d’une grave dégradation des services publics et par une inflation insoutenable. C’était aussi un été de l’indignation et de la « rébellion » sociales quasi quotidiennes, de jour comme de nuit, face à ce qui s’apparente à l’absence de l’État. Ce dernier terme, constat grave qui revient comme un leitmotiv dans la bouche des citoyens et même de certains responsables locaux, a fini par tomber dans une espèce de banalisation qui ne présageait rien de bon. Tous les ingrédients d’une impasse étaient réunis trois mois après que les Algériens eurent battu en brèche l’ « alternative » islamiste lors du scrutin législatif. Le retard dans la formation du gouvernement, rapidement interprété comme un signe manifeste de féroces de luttes de clans au sommet de l’État, a lourdement pesé dans l’atmosphère générale du pays et a orienté pendant plusieurs semaines, les éditorialistes de la presse écrite sur des pistes d’investigation tantôt sensées et bien fouinées, tantôt farfelues répondant plus à des fantasmes qu’à des requêtes logiques et fondées. La spéculation a bien marché même après la convocation du corps électoral par le président de la République pour le scrutin de novembre prochain. On y trouva même un argument pour dire que le gouvernement Ouyahia ne partira pas à moins de trois mois des élections. Presque tous les pronostics ont été chamboulés. L’activité politique, supposée naître de ce profond remaniement gouvernemental et du lourd plan de charge accordé à l’Assemblée populaire nationale pour sa première session ouverte au début de la semaine en cours, peut donner l’impression de pouvoir combler le terrible vide politique qui a prévalu pendant trois mois. Pourtant, l’enjeu majeur ne se situe à ce niveau. C’est à l’aune de la gestion du calendrier politique- élections locales, révision constitutionnelle, préparation de l’élection présidentielle de 2014- et de la relance économique promise (après toutes les tentatives infructueuses de diversifier l’économie nationale en dehors de la sphère des hydrocarbures et d’attirer les investissements étrangers) que sera évalué le gouvernement Sellal. La gestion des dossiers courants relatifs aux différents services publics, à la politique du logement, au secteur de l’Éducation,…ne pose pas moins de problèmes. Pour Abdelmalek Sellal, qui a passé un « bail » dans les services du gouvernement depuis son premier poste de chef de daïra, ces dossiers ne sont complètement étrangers. Le dernier département qu’il a eu à gérer, celui des Ressources en eau, se trouve être l’un des plus complexes; et, le moins que l’on puisse dire, est que l’ancien ministre a pu tirer son épingle du jeu, malgré quelques insuffisances, somme toute compréhensibles. Reste le staff gouvernemental qui entoure le nouveau Premier ministre. Sans pouvoir avancer qu’il a ya une homogénéité parfaite dans la nouvelle équipe, l’on ne peut passer sous silence la  »cure » d’assainissement que Bouteflika a fait subir à l’ancien gouvernement. Le départ de Belkhadem et Zerhouni est, sans aucun doute, un signe d’une nouvelle recomposition politique en œuvre. En effet, malgré le succès retentissant du FLN aux dernières législatives, son secrétaire général, qui était en même temps ministre d’État, représentant personnel du président de la République, a été évincé du gouvernement. C’est un technocrate, sans affiliation politique, et non un représentant de la majorité parlementaire, qui est placé à la tête du gouvernement. Que Belkhadem se prépare, comme le soutiennent quelques potins et certains milieux de la presse, pour l’échéance des présidentielles de 2014, n’est pas totalement chose exclue. La même thèse peut aussi valoir pour le cas de l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Le froid, pour ne pas dire plus, régnant entre Abdelhamid Temmar, ancien ministre de la Promotion des investissements, et Ahmed Ouyahia, a débouché sur un véritable clash entre les deux hommes à propos du dossier de la  »stratégie industrielle » managé par Temmar. Ouyahia a récusé publiquement les fameuses Assises sur l’industrie, organisées par Temmar en 2007 sur la base d’un document de 430 pages, « sans en référer au gouvernement ». Temmar a subi également le courroux d’autres personnalités politiques de l’opposition, à l’image de Louisa Hanoune, qui l’on taxé de « coopérant technique » en Algérie, sachant que sa famille vit depuis longtemps à l’étranger. Mais, c’est, au même titre que Zerhouni, un proche du président qui s’en va.

Énième ministre ?

Même si l’on ignore les détails des  »affaires » qui animent le conflit entre les importateurs de médicaments et les laboratoires algériens, d’une part, et l’ancien ministre de la Santé d’autre part, le départ de Djamal Ould Abbas s’inscrit aussi dans la logique de l’esprit de détente que Bouteflika voudrait instaurer entre les praticiens de la Santé gagnés par l’esprit de protestation permanente depuis le milieu des années 2 000, et la tutelle. S’il y a un départ qui ne risque pas de susciter de nostalgie particulière, c’est bien celui du supposé inamovible ministre de l’Éducation, Boubekeur Benbouzid. Même si le pouvoir politique ne l’a pas « admonesté » publiquement sur un dossier particulier, il n’en demeure pas que ce département stratégique a besoin d’un sang nouveau après 14 ans de règne de l’ancien pensionnaire de l’Université d’Odessa (ancienne Union soviétique). Un autre proche de Bouteflika termine son bail au gouvernement; il s’agit de Saïd Barkat. Après son passage par trois départements ministériels (agriculture, santé solidarité nationale), il serait pour le moins hasardeux de parler de succès. Les derniers remous ayant affecté sa gestion étant ceux des couffins de Ramadhan dont se sont plaints aussi bien les pauvres ménages ciblés que les APC chargées de la distribution de cette aide. Cela dit, on est certainement loin de l’idée qui consisterait à penser que tous les ministres qui sont reconduits seraient des « parangons » de la bonne gestion. Les insuffisances grevant l’autoroute Est-Ouest (dont une partie, celle entre Lakhdaria et Bouira est en train d’être réparée et réaménagée suite à des effondrements et affaissements) et les affaires ayant éclaté dans le département de Amar Ghoul (où le SG du ministère a été directement impliqué) ont apparemment peu  »terni » l’image du ministre. Ce dernier étant vu comme le  »libérateur » des Algériens en matière de routes et de circulation. Cependant, son maintien au gouvernement n’est pas non plus étranger à un calcul politique, du fait que Ghoul s’est bruyamment désolidarisé du MSP pour fonder propre parti. De même, les rumeurs qui ont, un certain moment couru sur le départ de Khalida Toumi du département de la Culture, se sont avérées sans fondement, et ce, malgré la colère et le ressentiment de certains artistes, réalisateurs et associations qui se considèrent marginalisés par l’action de Mme la ministre. Parmi les nouvelles figures du nouvel Exécutif, Belaïd Mohand Oussaïd représente le traditionnel  »recrutement » qui se fait auprès de certains partis de l’opposition- le sien s’appelle Parti de la liberté et de la justice (PLJ)- afin d’espérer « émousser » les traits de l’opposition, bien que ce personnage ne représente pas un  »danger » particulier. Ancien journaliste, successivement directeur d’Al Chaâb et de l’APS, il a aussi assuré la fonction d’ambassadeur. Porte-parole du parti islamiste non agrée Wafa, il fini par créer propre parti. Placé à la tête du département de la Communication, Mohand Oussaïd n’a pas la réputation d’avoir le profil d’un manager des nouvelles communications ou d’un homme d’ouverture. Il est plutôt sorti du moule de la JFLN et de l’ancien parti unique. Les nouveaux défis qui se posent à secteur (ouverture de l’audiovisuel, mise à niveau de entreprises de presse, réhabilitation du métier de journaliste,…) feront de lui, soit un  »moderniste » appelé à se délester des anciens réflexes jdanovistes, soit un énième ministre qui retombera vite dans l’anonymat.

A. N.M

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