« La situation qui prévaut n’est pas une fatalité mais un programme de déstructuration »

Partager

Cela fait maintenant près de dix jours que l’Institut des sciences de la matière est boudé par les étudiants. Par effet boule de neige, des étudiants d’autres départements du Centre universitaire Akli-Mohand-Oulhadj ont rejoint le mouvement de protestation.

Pendant que le débrayage bat son plein et que la tension semble aller crescendo, le Centre universitaire organise une « rencontre nationale » sur… les accidents de la circulation.

Pour une meilleure visibilité et lisibilité de la situation qui prévaut à l’université de Bouira, d’une manière générale, et au niveau de l’Institut des sciences de la matière, tout particulièrement, nous avons « tendu notre micro » au professeur Mohand Amarouche, ancien directeur (il avait été démis de ses fonctions) de l’institut en question.

La Dépêche de Kabylie : Vous avez été muté à Bouira et mis à la tête de l’institut des sciences. Cela n’a pas duré. Vous avez été démis de vos fonctions en votre qualité de directeur d’institut. Quelles en sont les causes ?

Mohand Amarouche : Ma mutation au Centre de Bouira, après 28 ans d’exercice et de responsabilité à de hauts postes (vice-recteur et directeur de laboratoire de recherche) était motivée par ambition de hisser le Centre universitaire de Bouira au rang d’université de plein exercice.

Il fallait pour ce faire, créer les conditions idoines de sa promotion à travers la création de nouvelles filières mais aussi à travers d’un encadrement de qualité et de grade académique, conditions absolument nécessaires.

Ces conditions, notamment les enseignants de rang magistral (maîtres de conférence et professeurs) sont inexistantes.

A ce propos, je tiens-là à souligner que l’intégration des professeurs d’autres universités que j’ai moi-même contactés a été refusé par le directeur.

Cela étant, 6 maîtres de conférence et moi-même en ma qualité de professeur exercent dans le centre.

J’ai trouvé le vide absolu en terme de projet de recherche et de laboratoire. J’ai pris sur moi de mobiliser les maître de conférence afin de les encourager à créer et conduire des équipes de recherche.

Je me suis engagé auprès du directeur du centre à mener au même temps la sous-direction de la recherche et la direction de la recherche de l’Institut des sciences.

C’était ma condition de mutation. Au fil des jours, en ma qualité de second responsable du centre, je me suis rendu compte que la situation qui prévaut n’était pas une fatalité mais un programme de déstructuration du centre exercé par le directeur qui voulait, à travers la mise à l’écart de ses pairs maîtres de conférence, régner en maître absolu.

Face à ce diktat, qu’il a instauré comme règle de conduite et de gestion, je me suis volontairement opposé et décidé de quitter la sous-direction de recherche en gardant la direction de l’Institut des sciences dans la mesure où il y allait de ma responsabilité en ma qualité de responsable scientifique des domaines des sciences de la matière et des sciences techniques auprès de la tutelle.

Le directeur n’étant pas habitué à des oppositions à sa manière de conduire en maître absolu, m’a relevé de mes fonctions sans en informer la tutelle.

J’ai dû me résigner tout en continuant à assurer ma responsabilité vis-à-vis de la première promotion d’étudiants jusqu’à la fin de l’année qui s’est déroulée dans des conditions normales.

A la nouvelle rentrée universitaire, octobre 2010, le directeur a usé de chantage auprès d’enseignants stagiaires pour les obliger à assurer la direction de l’institut.

Les conditions pédagogiques et l’amateurisme des nouveaux responsables ont fini par créer cette situation conflictuelles entre les étudiants et la direction. La situation perdure et je la vis mal.

Quel commentaire faites-vous de la situation, du centre universitaire, dans son ensemble ?

Le directeur du centre a un projet : celui de mettre en péril l’avenir du centre. J’ai, en décembre dernier, initié un séminaire sur les nouveaux pôles scientifiques de Bouira avec la projection et la finalité de la création de l’université panafricaine des sciences.

Projet porté avec enthousiasme par le ministre à qui j’ai eu a exposé lors de sa visite en décembre à Bouira, les atouts que recèle la wilaya pour accueillir ce projet important.

Il m’a félicité et encouragé dans cette ambition partagée. Il a immédiatement, sur site, accordé 6 000 places pédagogiques nouvelles au nouveau pôle situé à 55 hectares.

Le manque d’envergure du directeur à assumer ce projet l’a entraîné dans cette rage de détruire plutôt que de me voir conduire le projet.

En maître absolu où seuls la servilité et le larbinisme sont ses conditions de promotion au rang de responsable, l’avenir du centre est condamné.

A mon sens, la réhabilitation du statut de l’enseignant universitaire porté par Le président de la République, à travers une augmentation substantielle et importante des salaires, est un signe fort pour que chacun de nous prenne conscience de sa responsabilité.

Pour ma part, je pense avoir fait le maximum en alertant ma tutelle, l’autorité locale (monsieur le wali) et la Fonction publique sur la situation chaotique que traverse le centre de Bouira.

Où situez-vous la solution ?

Je pense que la venue d’une commission d’enquête ministérielle, revendication première des étudiants, est une absolue nécessité.

Dans tous mes courriers, j’ai appelé de tous mes vœux la venue de cette commission

Vos étudiants sont aujourd’hui en grève et revendiquent, entre autres, votre retour à la gestion de l’institut…

Il est heureux de voir des étudiants de première et deuxième années comprendre l’importance du développement du centre, à travers leur revendication de mon retour à la gestion des affaires de l’institut. Avoir été compris est pour moi un motif de fierté.

Propos recueillis par Salas O.A.

Partager