Née à Béjaia en 1968, Habiba Djahnine est documentariste formée à la Sorbonne-Paris III. Activant dans le monde de l’art, elle a contribué à la création des «Rencontres cinématographiques de Béjaia», puis de «cinéma et mémoire». Son recueil de poésie «Outre-mort» est paru à Alger aux éditions «El Ghazali». «Lettre à ma sœur» est un documentaire poignant qu’elle a réalisé plus de dix ans après l’assassinat de sa sœur Nabila, par les hordes islamistes.
La Dépêche de Kabylie: Sixièmes rencontres, c’est tout un parcours, avant de parler de cette édition, un regard sur les premières, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Habiba Djahnine: Il est important de savoir que les rencontres du film documentaire clôturent, chaque année, un atelier de création documentaire qui dure un an et qui a pour objectif d’accompagner 6 à 7 projets documentaires, portés par des algériens. Ces Rencontres du Film documentaire sont, pour eux, une suite dans leur formation. L’occasion de rencontrer des professionnels du cinéma et de confronter leur regard à ceux, plus aguerris de professionnels venant d’horizons et de pays divers.
Cette édition a été entamée par une réunion-bilan, vos conclusions ?
La réunion bilan a concerné le réseau ciné-club, que l’association a mis en place il y a plusieurs années, avec un moment fort, l’année dernière, les 3 jours de formation et d’échanges. Nous continuerons, cette année, à structurer ce réseau, toujours avec l’idée de créer des lieux de diffusion, animés par des passionnés. La réunion bilan a permis d’envisager un programme de formation et de diffusion de films à travers les ciné-clubs.
A noter quand même que plusieurs ciné-clubs souffrent de blocages administratifs et nous comptons parrainer les clubs qui n’ont pas encore d’agrément.
On constate la présence, notamment, de la Syrie et de la Tunisie, désir de coller à l’actualité nécessité de témoignages ou les deux à fois ?
Béjaia DOC se veut un espace et un lieu ouvert sur le monde et sur ce qui s’y passe.
Nous pensons que la moindre des choses c’est de parler de ce qui se passe chez nos voisins. C’est plus qu’une actualité il s’agit de bouleversements, de choses graves qui se passe dans ces pays, nous sommes concernés au premier degré. Nous voulons rompre avec l’indifférence qui a tendance à prendre le dessus partout, pas seulement chez nous.
L’atelier de création documentaire, est une nouveauté dans cette édition, à travers lequel un film est choisi pour étude de cas, comment jugez-vous l’expérience ?
Ce n’est pas du tout une nouveauté chaque année se tient un atelier de création documentaire.
Nous en sommes à la cinquième promotion. Chaque année aussi nous organisons, pendant les rencontres, deux leçons de cinéma pour les stagiaires Béjaïa-DOC , ouverte également au public. Cette année, ça concerne deux réalisateurs, Badis Abdallah avec son film « Le chemin noir » et Hala Al-Abdallah avec « Comme si nous attrapions un cobra ». Ce sont des moments forts de partage d’expérience.
Les stagiaires apprennent comment ces réalisateurs ont produit leurs films.
L’Italie était aussi représentéepar « La rage (La rabbia) », de Pier Paolo Passolini, un film-témoignage, mais aussi de dénonciation du colonialisme et de la société occidentale, le choix n’est pas fortuit, n’est-ce pas ?
Pour moi, Pasolini est un réalisateur universel. Son film « La Rabbia » est un magnifique cri pour la liberté. Pour tout vous dire, aucun de nos choix n’est fortuit. Ce film, basé sur des images d’archives, porte un regard sur la destruction du monde par la guerre.
Il raconte le désir de liberté pour des pays comme l’Algérie.
Mais la liberté est un parcours tellement semé d’embûches…
Un coffret DVD de documentaires réalisés par les stagiaires de Béjaïa a été éditéd’autres travaux sont en perspectives ? Qu’en est-il des ateliers documentaires ?
La cinquième promotion a bénéficié de la première phase de formation, qui consiste en une résidence d’écriture. C’était en septembre. Cela s’est très bien passé. En octobre 2013 vous allez pouvoir découvrir 7 films documentaires.
Vous avez été lauréate du Prix néerlandais du Prince Claus, récompensant votre engagement dans le travail culturel en Algérie, pensez-vous à un prix-récompense dans le cadre de ces rencontres ?
En effet, dans le texte qui m’a été envoyé par la Fondation Prince Claus, il a été surtout question de récompenser mon travail de réalisatrice, mais aussi de mon engagement dans le domaine de la culture, mon rôle dans la mise en place des ateliers et des rencontres en fait sûrement partie.
Y a-t-il en Algérie un organisme jouant le rôle d’une banque d’archives documentaires, sinon travaillez-vous dans l’idée de la concrétisation d’une initiative allant dans ce sens ?
C’est un projet très difficile à réaliser, mais on y pense.
Quels sont vos rapports avec les chaines de télévision, nationales ou étrangères, à l’exemple d’Arte ou Histoire, plus intéressées par ce genre de productions filmiques ?
Oui, Nesma TV a projeté l’année dernière, les films de Béjaia DOC. La BBC vient de nous contacter pour demander les films d’atelier et d’autres, Arte nous soutient financièrement cette année. Tout cela avance dans le bon sens.
Propos recueillis par Nabila Guemghar