En attendant la mise en application des nouvelles dispositions contre les parkings sauvages, promises par le gouvernement Sellal, les jeunes « gardiens » continuent à racketter les citoyens.
Ainsi, au niveau du chef-lieu de la wilaya de Bouira, ces parkings, supposés être gardés, fleurissent à chaque coin de rue. En effet, il est devenu quasi impossible de stationner son véhicule, sans qu’un jeune ne surgisse de nulle part, le plus souvent muni d’un gourdin ou manche à balai, en criant « Khoya parking ». Parfois, ces jeunes racketteurs, le terme est plus qu’approprié dans la mesure où ils » forcent la main » des citoyens à leur céder les 30 ou 50 da qu’ils exigent, établissent leur parking, à des endroits plutôt qu’insolites.
Un parking sauvage devant… une sûreté urbaine !
Ni les devantures des administrations, ni les entreprises publiques ni même les structures de sécurité ne sont épargnées par ces squatteurs. L’exemple le plus frappant, est celui de la deuxième sûreté urbaine de Bouira, qui est située au quartier Hay Thaoura. À proximité de ce commissariat, bon nombre de citoyens se sont plaints d’un groupe de jeunes qui font la loi à côté du cadastre de Bouira. Cet établissement public, faut-il le souligner, est situé juste derrière ladite sûreté urbaine. Voulant en savoir plus sur le sujet, nous avons approché ces jeunes gens vêtus de survêtement pour la plupart, tenant un bâton d’une main et de l’autre un lecteur MP3, et à la taille, une sacoche bien remplie de pièces de monnaies. L’un d’eux lança à son acolyte : « Fais gaffe à la police, il y’a une brigade qui rode dans les parages. Je vais chercher des clopes et je reviens ». Suite, à cela le jeune Nassim, âgé de 15ans reconverti depuis peu dans le « gardiennage » de voiture, à repris son coin derrière l’immeuble d’en face. Il nous avouera : « je suis nouveau dans le métier, je ne connais pas les rouages et les astuces pour tromper la police ». Interrogé sur ce qu’il faisait avant, il nous a répondu avec une certaine fierté : « Je vendais des ustensiles de cuisine à la placette Rahim Ghalia, avant que les agents de l’ordre ne viennent nous chasser! ». Tout à coup, une voiture vint se garer sur « son territoire », il s’excusa et alla au devant du conducteur, en lui lançant « Parking ya lahbib! ». L’automobiliste amusé et agacé à la fois paya sans rechigner. Par la suite, le jeune Nassim, est allé à la rencontre de son « associé », qui est revenu avec un gobelet de café et une cigarette. « Alors tu t’en sors bien à ce que je vois! », lança-t-il à son jeune acolyte. Ce « patron », prénommé Ahmed et âgé de 22 ans, a pour ainsi dire de « l’expérience » dans le domaine. C’est du moins ce qu’il a expliqué en déclarant : « Je fais gardien de parking depuis l’âge de 16ans. Donc, je peux dire que je fais figure d’ancien dans le milieu ». S’agissant de l’endroit choisi pour établir un parking sauvage, Ahmed nous avouera : « toutes les zones sont déjà prises! Et entre bandes des quartiers, gare à celui qui vient empiéter sur le territoire de l’autre ». Avant d’ajouter : « Il est clair que venir à côté de la police, ce n’est pas très malin, mais c’est tout ce qu’il reste comme zone libre. On fait attention à ne pas se faire prendre! ». D’autres jeunes » gardiens », ont avoué que ce » travail » leur permet de subvenir à leurs besoins et aux besoins de leurs familles en attendant que » y faradj rabbi » comme ils disent.
Du commerce informel au gardien de parking
La plupart des nouvelles » recrues » viennent du milieu de l’informel, c’est toutefois le constat effectué par de nombreuses personnes. En effet, après les opérations » coups de poings » effectuées par la police dans le commerce informel, les « commerçants » ont vite fait de retomber sur leurs pattes, en improvisant un autre job, certes moins lucratif, mais qui, selon eux, leur permet d’avoir une rentrée d’argent. C’est ce que souligne Djalloul, 25 ans « gérant » d’un parking sauvage au niveau du quartier de la Cadat : « J’ai quitté le secteur des parkings pour me consacrer au commerce de la chaussure et ça a duré 4 ans, mais après la catastrophe qui nous a touchés, (éradication du commerce informel, ndlr), j’ai dû me résigner à reprendre du service ». Concernant les locaux commerciaux mis à la disposition de ces jeunes, Djalloul dira avec un grand sourire : « Vous plaisantez j’espère! Je préfère faire gardien toute ma vie, que d’aller m’enterrer dans ces locaux miteux et isolés ». Il est vrai que ces locaux, sont situés à la sortie ouest de la ville de Bouira et de l’avis de tous, n’offrent pas assez de « visibilité » pour les jeunes commerçants. Du côté des principales « victimes » de ces parkings, les automobilistes, il règne une certaine atmosphère de colère mêlée de résignation. C’est ce qui a été relevé auprès de certains d’entre eux : « Il vrai qu’on se fait dépouiller à chaque fois qu’on s’arrête. A la longue cela devient insupportable », a indiqué Djamel, l’automobiliste » racketté » par le jeune Nassim. Avant d’ajouter: « Je pouvais très bien refuser de lui céder le moindre centime, mais au fond, à quoi bon? Ce n’est pas à moi de lui faire la morale. De plus, il m’a paru bien sympathique. Ce n’est pas ces 30 DA qui vont me ruiner », a-t-il déclaré d’un air attendri. D’autres, à l’image de Manel, une jeune conductrice, sont beaucoup plus sévère à l’égard de ces pseudo gardiens : « Ce sont des sauvages! Ils dictent leur loi avec un gourdin et n’hésitent pas à nous menacer, si nous osons protester! Ce sont des pratiques scandaleuses!», a-t-elle fulminé. Pour remédier à situation, les pouvoirs publics prévoient de durcir la lutte contre ces pratiques sauvages. D’ailleurs, le nouveau chef de sûreté de la wilaya de Bouira, M. Mekhalfi Aboubakr, serait, selon certaines indiscrétions, en train de préparer un plan de mesures visant à éradiquer ce fléau.
Ramdane.B