Parcours d'un combattant hors pair

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Cela fait cinquante ans que l’Algérie a accédé à l’indépendance. 

Il faudra encore des années pour écrire toutes les pages glorieuses de cette grande révolution menée par des hommes et des femmes qui n’ont eu pour armes que leur courage et leur conviction et qui ont compris que la liberté ne se donne pas mais s’arrache. La semaine dernière a vu la commémoration du cinquante-troisième anniversaire de l’exécution du commandant Ali Bennour et de l’infirmier Oukil Ramdane par les militaires de la caserne de Draâ El-Mizan après des tortures atroces. Selon des témoignages concordants, c’est le PC de la wilaya trois qui avait ordonné au commandant Ali Bennour de visiter l’infirmerie de la zone 4 à Ighil El Vir, dans l’actuelle commune d’Aït Yahia Moussa. Si Ali, comme l’appelaient les Moudjahidines, avait donc pris le chemin de cette infirmerie le dix-huit octobre 1959. Le lendemain, il fut surpris, dans la cave qui servait d’infirmerie, par l’armée française et subit un accrochage avec les soldats qui dura des heures. Blessé il fut arrêté puis entraîné jusqu’à la caserne de Draâ El-Mizan où il subit toutes sortes de tortures. Des témoins rapporteront qu’il a ensuite été exécuté en compagnie de l’infirmier Oukil Ramdane avant d’être jetés dans la nature au lieu-dit Ighzer N’Souk à deux kilomètres du village Maâmar. Une stèle commémorative leur y est d’ailleurs dédiée. Quant aux circonstances de son arrestation, l’ensemble des Moudjahidines fait état d’une conspiration et d’une trahison à l’intérieur de l’infirmerie. Un double agent et une femme étaient derrière le complot. « L’armée française avait essayé d’utiliser la personne d’Ali Bennour à des fins propagandistes dans le cadre d’une politique d’apaisement, mais le commandant, connu pour son nationalisme indéfectible et pour son appartenance à une famille révolutionnaire, avait rejeté la proposition qui lui avait été faite. Son refus a poussé ses bourreaux à l’exécuter avec son compagnon Oukil Ramdane », nous a expliqué un moudjahid. Pour commémorer le 53° anniversaire de sa mort, une gerbe de fleurs a été déposée au pied de la stèle érigée en leur honneur à Maâmar, sur la RN 25  à huit kilomètres de la ville de Draâ El-Mizan. Des moudjahidine venus de Tadmait, d’Aït Yahia Moussa, de Draâ El-Mizan, de Boghni, et d’autres localités de la wilaya ont assisté à la cérémonie, en présence de la famille de Ali Bennour dont son fils Hocine, de Rezki Krim frère de Krim Belkacem, de Amar Mellah fils de Ali Mellah. A tour de rôles, les moudjahidine, tels Mohamed Zahzouh, Ali Yaddadène, Mohamed Challal de Boudjima ou encore Aâmi El Hocine Chettabi de l’ONM d’Aït Yahia Moussa, ont tous évoqué les qualités de Si Ali Moh N’Ali, son courage et son humanisme exceptionnels. Son fils Hocine regrettera quant à lui l’absence de hauts responsables. « C’est désolant », dira-t-il en ajoutant : « nous avons tendance à oublier nos valeureux martyrs qui ont tout abandonné pour la seule cause de l’Algérie indépendante. Malheureusement, c’est le matérialisme qui domine ». Ali Bennour, dit Ali Mouh N’Ali, est né le dix mai 1927 au village Ighil Yahia Ouali dans la commune de Tadmait. Il est chahid, fils de chahid et frère de deux autres chouhada (Rezki et Rabah), seul son frère Slimane restera en vie. Durant sa jeunesse, le futur commandant de l’ALN n’a pas vraiment vécu des moments de joie. Il fut journalier chez les colons, ouvrier dans les chemins de fer à Boufarik, agent de service dans une école de frères blancs à El Harrach avant de travailler comme bûcheron chez un Italien nommé Titis. Il intégra les rangs du MTLD en 1947 au sein duquel il fut un militant très actif. Il s’investit avec acharnement dans la lutte contre l’humiliation que subissaient ses pairs dans les fermes et les entreprises coloniales. Comme première action contre l’ennemi, le futur commandant de l’ALN a mené une campagne contre les élections de 1947. En dépit de son jeune âge, plusieurs tâches importantes lui ont été confiées, telles l’organisation des cellules de militants, la vente de journaux et la collecte des cotisations. En raison de son activisme permanent, il travailla sous les ordres de Amar Ouamrane avant d’intégrer l’organisation spéciale en 1948 et participer à la préparation du déclenchement de la guerre de libération nationale. Sa maison devint alors le point de chute et de rencontres de Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Oudni Amar, Si Moh Nachid et d’autres. Au déclenchement de la guerre, à la tête de son groupe dont, Benalia Mohamed, Hamiche Rabah, Bayou Amar, Ferhat Akli, Belkacemi Rabah, Drif Said, Aouine Lounès, Chrid Belkacem et Heddache Said, Bennour Ali dirigea les premières actions, à savoir, l’incendie de l’unité TABACOP de Tadmaït, l’incendie de l’unité de bois et liège de la même ville et la coupure des poteaux et sabotage des lignes téléphoniques à Tadmaït. Ensuite, Si Ali connut une renommée grandiose qui le plaça toujours en tête. Successivement, il devint adjoint militaire du capitaine Ousmail Kaci chef de la zone 4, adjoint militaire de Mahiouz Ahcène Vers l’été 1958, et quand ce dernier fut envoyé en mission en wilaya 4, c’est Si Ali Mouh N’Ali qui prit le commandement de la zone 4. Ali Bennour donna du fil à retordre aux forces coloniales. Même si le général Ollié a mobilisé six mille hommes appuyés par des unités spéciales lors du ratissage du 8 juin 1958 à Tadmait, Nacéria, Sidi Ali Bounab, Hidoussa, il ne parvint pas à mater l’organisation militaire de Ali Moh N’Ali. Au terme de ce ratissage qui a duré plusieurs jours, Si Ali Moh N’Ali revint sur les lieux pour s’enquérir de la situation du village Aït Chelmoune dans le massif forestier de Sidi Ali Bounab où il découvrit neuf martyrs tombés au champ d’honneur et un rescapé. Il participa à la bataille d’Imqirène, à l’embuscade d’Inezliouène en juillet 1958, sur les hauteurs de Draâ El-Mizan. Comme l’ont souligné tous ceux qui l’ont connu, personne ne peut raconter la page d’histoire du commandant Ali Bennour en une seule journée. « Il ne faut pas falsifier l’histoire, encore moins raconter des faits auxquels on n’a pas assisté », dira dans son intervention Ali Yaddadène de la compagnie du Djurdjura.              

Amar Ouramdane

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