Par Chérif Aït AhmedEx-P/APC Tizi Ouzou
Depuis quelques jours-la campagne électorale a commencé à travers les communes touchées par la dissolution. Les états-majors des partis à quelques exceptions près ont connu une véritable effervescence, assez coutumière, où tous les coups sont permis pour se placer en pôle position.Les cris et les chuchotements, perçus çà et là dénotent une fois de plus à un état d’esprit qui est en nette régression par rapport à l’atmosphère de joie, d’allégresse et d’optimisme vécue lors des premières échéances électorales notamment celles des législatives de 1999, époque où une véritable symbiose existait dans les structures des différents partis en lice.Certes, la décennie noire est passée par là avec tout ce qu’elle a engendré comme violence de toutes sortes : immobilisme, angoisse, crainte, incertitude, fermeture du champ politique et médiatique, Etat d’urgence, atteintes aux libertés fondamentales, démobilisation et “démilitantisation” des structures politiques.L’action politique, à la faveur des espaces “démembrés” et de l’absence de toute stabilité et de toute formation politique a pris une autre tournure. La course au statut a vidé de son sens l’esprit militant. La conviction est mise aux oubliettes et chacun y va de son mauvais rôle pour accéder, se maintenir et s’approprier tout strapontin possible et inespéré.Le clanisme, le sectarisme, le régionalisme ainsi que la domestication ont gangréné la plupart des organismes.Un simple voyage à l’intérieur de chaque liste électoral relèvera des recettes miracles terrifiantes et des itinéraires incroyables.La culture politique, la vision politique, le programme politique relèvent dans certains cas du chimérique.C’est dans cette ambiance digne des facettes d’Arlequin, maintes fois rapportée par la presse avec plus ou moins d’objectivité, que les listes ont été déposées après un triturage et un malaxage qui ne disent pas leur nom.Tout le monde a suivi de près la manière peu orthodoxe avec laquelle certaines listes ont été confectionnées et déposées. Certaines relèvent du hold-up pur et simple. Cette situation a fait l’objet de débats pendant les nuits du ramadhan dans les cafés de toutes les chaumières de Kabylie.Les discussions, les commentaires vont bon train accompagnées d’anecdotes de dernière minute concernant tel ou tel autre tête de liste.Les ingéniosités et les coups fourrés montés ou démontés pour élaborer telle ou telle autre liste sont savamment épicés d’anecdotes et de détails. Çà et là, on s’étonne de la reconduction de tel ou tel autre dont le bilan est jugé catastrophique, on relève la transhumance de tel autre, on commente la réapparition de certains autres repêchés on ne sait d’où ni comment.Les bilans des uns et des autres sont passés au crible au gré de la rumeur et des fois de l’appréciation fantaisiste.A tel café sont attablés les candidats FLN-RND, à tel autre ceux du FFS. Chacun y va de ses commentaires, de ses pronostics. Ainsi les partielles avec au bout un mini-mandat qui pointe à l’horizon avait permis de meubler les soirées moroses du mois de Ramadhan.Les véritables enjeux liés au développement local, à la démocratie locale, aux attentes immédiates des populations, à la culture politique demeurent pour l’instant éloignés du brouhaha qui précède la campagne électorale. Quel programme ? Quelle perspective ? Pour un mini-mandat unique en son genre et qui n’aurait jamais dû avoir lieu.Pour Saïd fonctionnaire de son état rompu aux labyrinthes administratifs et aux pesanteurs des procédures, il est impossible aux assemblées élues d’élaborer toute stratégie. Pour lui aucun président de la République, aucun président de club, aucun ministre, aucun wali, aucun président de parti ne peut accepter un mini-mandat tel celui qui est proposé aux futurs élus. Cela va à l’encontre de toute règle de gestion, de toute orthodoxie, de tout concept de rationalité ou de rationalisation. De ce fait on ne peut espérer aucun résultat tangible et possible. Pour étayer ses dires, il affirme qu’aucun projet ne peut être initié et réalisé dans des délais aussi courts en respectant toutes les phases réglementaires. Contrairement à Saïd, Da Abdelkader retraité, pense maintenant que le vin est tiré, il faut le boire donc. Il faut aller aux élections même si l’on sait que rien ne changera car il faut beaucoup de bonne volonté et beaucoup de moyens.Cela demeure un acte démocratique, bien que je ne suis nullement convaincu par certains noms je voterai et j’espère que ma voix ne sera pas trahie. Le sentiment d’incertitude semble peser et cette situation est aggravée par tout ce qui a été déballé dans la rue, à travers la presse, dans les assemblées et les différentes réunions tenues par les partis pour la confection des listes. Trop, c’est trop, dira Da Abdelkader, lui qui a connu ce qu’est le militantisme, très jeune et qui a été rompu à l’action militante durant les années de feu. Il s’étonne que pareilles pratiques subsistent de nos jours dans ce qui peut s’apparenter à de véritables écoles de formation que devront être les partis politiques. Il s’étonne encore plus que des militants dépassant la quarantaine puissent accéder par la ruse, la tricherie et le clanisme aux listes. Que feront-ils dans ce cas quand ils seront aux commandes ?A travers ces deux exemples, il ressort un climat mitigé et une sorte de froideur à l’égard d’un scrutin imposé et aux lendemains remplis d’incertitudes. La campagne électorale qui vient de débuter réussira-t-elle à réchauffer cette ambiance ?Quels programmes et quelles perspectives offrira ce mini-mandat quand on connaît les difficultés d’adaptation à la gestion d’une collectivité locale, la complexité des mécanismes de fonctionnement et la non-maîtrise de l’environnement immédiat des collectivités locales ?Les partis politiques peuvent-ils valablement espérer la mise en œuvre de leurs programmes de développement pendant une si courte période, qui puissent leur permettre de tirer les dividendes politiques espérés ?La problématique de la gestion de la collectivité locale en ces temps de crise se pose avec acuité d’autant plus que les “robinets” sont détenus dans des espaces inaccessibles et souvent au gré de la volonté des décideurs. L’existence de places de développement locaux ou régionaux à court, moyen et long terme demeure une exigence fondamentale.La perspective politique, économique et sociale ne saurait s’arrêter à la fiche technique conjoncturelle traitée au niveau d’un comité technique ou d’une assemblée.Le développement de la ville, la réappropriation des espaces culturels, la restauration des écoles du savoir, la protection de l’environnement, la prise en charge des problèmes de la jeunesse demeurent des attentes immédiates de la population et des objectifs que ne peuvent permettre tant l’arsenal juridique en place que les mécanismes financiers et environnenmentaux actuels. Il conviendrait d’ouvrir un véritable débat sur ce que l’on veut faire de nos collectivités, de notre démocratie locale, du développement local. L’octroi de subventions conjoncturelles qui ne s’accommodent pas d’un véritable développement durable par la prise en charge dans la durée des services essentiels que se doit d’assurer une collectivité risque d’être aléatoire tout comme ce qui entoure l’aspect protocolaire.Une fois de plus au nom des “principes démocratiques”, l’électorat se doit d’aller exprimer ses choix.L’apprentissage de la démocratie est certes dur et ardu, mais il demeure inéluctable. L’Algérie démocratique ne saurait se construire et s’encadrer sans l’enracinement de la démocratie locale qui demeure la pierre angulaire.Mais la question est de savoir si l’effet boomerang ne risque pas de remettre à des lendemains incertains cette conscientisation qui, au demeurant, reste mal accompagnée de moyens humains, juridiques et financiers appropriés et qui s’inscrivent dans la durabilité.L’expérience des mandats précédents en est l’illustration la plus édifiante, peu d’élus ont fait de leur mandat un mandat politique et d’opposition. La passivité, l’immobilisme et l’inconsistance l’ont emporté sur les objectifs d’une véritable participation réellement politique.D’ici 18 mois, l’opposition saura-t-elle tirer les véritables conclusions ou reconduira-t-elle les mêmes scénarios ?
C. A. A.
