Entre interrogations,tergiversations et espoirs légitimes

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L’année 2012 avait commencé par un hiver rigoureux, qui a particulièrement mis à rude épreuve la Kabylie avec une épaisseur de neige historique dépassant les deux mètres sur les villages de montagne. S’en suivirent de lourdes interrogations sur le plan politique, alors que plusieurs partis commençaient à être agréés.

Elle se termine par les sénatoriales de ce samedi qui bouclent un processus électoral laborieux: législatives et locales. Le fin mot de l’histoire demeure toujours cette interrogation quant à l’avenir immédiat du pays, aussi bien sur le plan politique-les élections  présidentielles auront lieu dans 15 mois- que sur le plan social et économique. En son plein milieu, entre juillet et début septembre, l’année aura été caractérisé par une tension extr ême où se sont entremêlés une cer taine vacuité politique, même si la nouvelle Assemblée nationale, issue des élections du 10 mai, venait juste d’être installée et ses membres… libérés pour des vacances non encore méritées. Ce climat de confusion avait fait circuler les plus folles rumeurs sur la santé du président et la cohésion au sein des cercles de décision jusqu’à la nomination d’un nouveau gouvernement le 4 septembre, à la tête duquel a été porté Abdelmalek Sellal, ministr e des Ressour ces en eau. Pendant la même période, un anticyclone historique avait figé le pays dans des températures qui n’étaient pas descendue au-dessous de 45 degr és pendant plusieur s semaines. Des incendies de forêts sans précédent avaient consumé patrimoine sylvicole, oliver aies, figuer aies et ruchers, et un mois de Ramadhan ponctué par des coupures répétées de courant électrique et d’alimentation en eau à l’échelle de plusieurs wilayas. Sans gr ande tr ansition, plusieurs villes algériennes, Bejaïa en premier, furent noyées sous les eaux bien avant l’installation de l’automne. L’ année qui s’ achève aur a été éprouvante sur tous les plans, et aucun tableau des éphémérides ne saurait suffisamment en restituer les moments forts et les grandes détresses. La seule donnée quasi constante a été la bourse du pétrole (entre 100 et 115 dollars le baril), hormis un petit flottement à la fin du printemps (86 dollars) qui commençait à donner des sueurs froides aux gestionnair es de l’ économie nationale. C’est sur la base de ce constat que la préparation de la loi de finances 2013, qui avait commencé en septembre, a été empreinte d’une certaine  »prudence » qui n’a pas eu de véritable confirmation en cette journée du mercredi 27 décembre qui a vu la signature de la loi par le pr ésident de la République. Pas de nouvelles taxes; une croissance de 5 % y est prévue. De nouveaux recrutements vont se faire dans la Fonction publique, soit près de 57 000 fonctionnaires, et des transfer ts sociaux toujour s aussi consistants (soutien des prix des produits de première nécessité alimentation des fonds de solidarité dégrèvements fiscaux pour incitation aux investissements,…). Ironie de l’histoire, 18 ans après le rééchelonnement de sa dette extérieure auprès du FMI, l’Algérie, avec près de 200 milliards de dollars, a même pu prêter 5 milliards à cet organisme international. Chose dont se vantent certains et que condamnent d’autres, parmi les acteurs politiques algériens. 

Délitements et refonte politique 

À côtés des caprices météorologiques, les faits les plus saillants, ceux qui ont marqué la scène nationale, demeurent sans aucun doute ceux liés à la politique dans ses deux dimensions: organique et institutionnelle. Sur le plan organique, une car icature parue récemment dans un journal parle de la  »fin du monde », même si les prévisions du calendrier maya, annonçant cet événement pour le 21 décembre, n’ont pas eu lieu. Le caricaturiste fait allusion au départ de Hocine Aït Ahmed de la présidence du FFS. C’est la fin d’  »un » monde, celui par lequel est organisée la vie d’un parti, né il y a un demi-siècle, où un lien ombilical, histor ique, voire mythique a lié ses instances, sa philosophie et ses pratiques à son président. Il est tout à fait évident que, dans une vision historique et culturelle dénuée de toute chapelle idéologique, Aït Ahmed demeure un patr imoine précieux pour la Kabylie et l’Algérie. Il est le seul encore envie parmi les neuf historiques qui ont été à l’origine du déclenchement de la révolution de novembre 1954. Signe des temps, c’est le parti rival du FFS, à savoir le RCD qui s’est  »débarrassé » également de son président. Il a même été le premier à le faire, en février, lors du congrès du parti. Curieusement, le parti a boycotté les législatives pour, six mois après, par ticiper aux élections locales. Mais, globalement, ce parti sort fort déçu et dépité du nonaboutissement de sa tentative de faire la  »révolution » par la rue lors de ses sorties chaque samedi au début de l’année 2011, dans la fièvre du Printemps arabe. La scène politique s’est particulièrement emballée depuis février 2012, à quelques semaines des législatives. Amar a Benyounès qui attendait l’agrément de son par ti, l’UDR, depuis plusieurs années, a été porté à la tête cette formation, laquelle a reçu un autre nom, le Mouvement populaire algérien (MPA). D’autres partis ont été agrées dans la foulée. Cer tains n’ont même pas eu le temps de tenir leur congrès avant les élections du 10 mai. Un mouvement d’un parallélisme énigmatique a empreint le paysage politique national au cours de l’année 2012: au fur et à mesure que sont agréées de nouvelles formations et sont renouvelées les institutions élues (APN, Sénat, APW et APC), un délitement historique, par glissements successifs, a affecté plusieurs partis. Si le FLN traîne ses tares, en la matière, depuis environ cinq ans (dissidence de M.S. Kara, Djeghaba, ensuite Boudjemaâ Hichour), le RND n’a réellement fait l’objet d’une cassure organique qu’après le départ d’Ouyahia du gouvernement, même si un  »ballonsonde » a été lancé dès l’annonce des résultats des législatives. Ce fut la fameuse sor tie inattendue d’une certaine Nouria Hafsi, secrétaire de l’UNFA (une organisation de  »masse » obsolète, oubliée de tout le monde), contre le S.G. du parti. Le relais est assuré depuis quelques semaines, par Yahia Guidoum, un ancien ministr e qui peine à se mettre réellement dans la peau d’un homme politique. Dès l’installation du nouveau gouvernement au début de septembre, des campagnes de nettoyage ont été menées dans les rues et les venelles sales de nos villes et villages. Simultanément, les commerces informels sont démantelés par la force publique. L’opération n’ est pas totalement réussie, puisque plusieur s places et rues sont encore réinvesties par des vendeurs à la sauvette. Les manifestations de rue et les émeutes font désormais partie du décor quotidien. Elles parfois suivies d’immolations par le feu et de blessures. Le  »carburant » numéro un demeure la question du logement social. Suspendue pendant la campagne électorale pour le scrutin du 29 novembre, cette opération a été reprise et synchronisée partout juste après les élections. Ce qui a abouti à un mouvement de contestation historique dans les communes, au point où des sièges de mairie et de daïra furent cadenassés et des routes coupées à la circulation par les manifestants. Tout au long de l’année, le mouvement de harragas vers des cieux jugés plus  »cléments » n’a pas cessé. Les moments forts, choisi pour la grande équipée, ont été les appels pour la rupture du jeûne en août dernier, lorsque les services de sécurité et les gardes-côtes sont supposés laper leur chorba et vivre des minutes d’inattention. Ibn Khaldoun, Mohia et Aït Menguellet pour espérer et avancer Sur le plan culturel, la culture kabyle a perdu un géant de la chanson et de la musique en la personne de Cherif Kheddam. Cela fera bientôt une année, le 23 janvier. Mohand U Yahia a été ressuscité par ses fans, et même un vocable a été inventé pour nommer le style et le lexique caractéristiques qui sont les siens: Tamuhyats. Ibn Khaldoun a été appelé à la rescousse, au cours d’un colloque à Tizi Ouzou, pour nous aider compr endr e les enjeux sociaux et politiques actuels. Les oeuvres d’Aït Menguellet ont été auscultées par des univer sitaires pour en décrypter la dimension philosophique et univer selle. Quant aux mémoires de Chadli, elles n’ont pas eu l’effet escompté puisqu’il n’y a pas de révélation majeure. Un caricaturiste a même pu écrire à ce propos: « La liste des victimes de Chadli s’allonge: il vient d’assassiner la littérature » . L’ouverture de l’ audiovisuel aux entr epr ises privées est renvoyée à après 2014, d’ apr ès le ministr e de la Communication, même si les Algériens reçoivent chez eux trois nouvelles chaînes privées dans lesquelles s’expriment des officiels, y compris des ministres. C’est pourtant là un des objectifs visés par les engagements de réformes politiques annoncées par le président de la République le 15 avril 2011. Après les échéances politiques et électorales de 2012, il est proposé aux Algér iens la r évision de la Constitution, probablement au premier trimestre 2013; soit une année avant les élections présidentielles. Quel destin ces deux rendez-vous réserveront aux espoirs démocratiques des Algériens dans un contexte régional des plus moroses et des plus tendus?

Amar Naït Messaoud

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