Quand le professionnalisme fait défaut

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On les appelle les “grainetiers”, mais la raison sociale de leurs magasins dépasse de loin le commerce des graines. Elle s’étend à tous les petits intrants agricoles, depuis la semence jusqu’à la débroussailleuse mécanique, en passant par les pesticides, les herbicides, la faux, la faucille et le fil de bottelage.Ce qui est considéré dans d’autres pays comme la pharmacie des plantes est assimilé chez nous à une épicerie de village où on fait commerce de tout ce qui marche.La situation a commencé à échapper à toute règle professionnelle et éthique depuis la dissolution, au milieu des années 1990, des COOPSID (organisme public chargé de la commercialisation des graines et produits phytosanitaires). C’est alors que le secteur est tombé, comme un fruit mûr, entre les mains des privés dont la plupart n’ont aucune qualification particulière en la matière. Anciens agriculteurs convertis dans le commerce, négociants dont les affaires périclitent, jeunes ambitieux attirés par un créneau relativement vierge, enfin, le tout-venant mercantile a investi un segment important de l’environnement technique agricole.Il est très rare de trouver dans une officine phyosanitaire un technicien ou un ingénieur agronome. Et pourtant, la loi réglementant ce genre d’activités est claire là-dessus : le propriétaire du magasin grainetier doit impérativement employer un spécialiste en la matière dans son officine ou être lui-même un professionnel diplômé. Hormis quelques rares cas qui se comptent sur les doigts au niveau national, cette loi reste généralement un vœu pieux. L’entorse au règlement est d’autant plus dommageable qu’il s’agit d’une activité très sensible qui commande toute la chaîne de la production agricole où l’on a souvent besoin de conseillers sérieux et connaisseurs capables d’établir les diagnostics primaires sur le terrain et de recommander les traitements adéquats, avec les dosages appropriés, que ce soit en fertilisants ou en pesticides et herbicides. En outre, certains produits, hautement toxiques ou d’usage complexe, ont réellement besoin de l’avis et du conseil du spécialiste.Actuellement, on se contente de recommander les produits en vogue, d’importation de préférence, à sa clientèle. C’est ainsi que le produit appelé “Agrispon” est devenu la panacée pour la croissance des végétaux et l’augmentation des rendements. Importé d’Amérique, “Agrispon” est devenu la potion magique par la grâce des boniments de certains grainetiers qui vous dispensent des travaux du sol, des entretiens, de la taille et de la fertilisation. Des paysans répétant les bons conseils de nos “savants”, vous assureront qu’ils ont mis la main sur “la vitamine des plantes”, en quelque sorte un produit dopant. Apparemment, la science a cédé devant les nouveaux guérisseurs ; et dire qu’il y a des ingénieurs et des techniciens en chômage qu’on aurait pu insérer dans un créneau qui commande en amont les performances de notre agriculture.

A. N. M.

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