Les «rabais» ne font pas recette

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La période des soldes d’hiver a commencé le 18 janvier dernier et elle s’étalera jusqu’au 28 du mois en cours.

Sous d’autres cieux, les soldes rencontrent un franc succès auprès des consommateurs et leur durée dans le temps est considérée comme « une période bénie » pour les commerçants. En Algérie, ils restent encore méconnus par la plupart des commerçants et boudés par la quasi-majorité des citoyens. Pourtant, le législateur a réglementé cette pratique depuis 2006, fixant les modalités de cette période de rabais, notamment les dates de son début et de sa clôture, et appliquant les règles de la concurrence loyale… etc. Mais en dépit de toutes ces mesures, les consommateurs, tout comme les commerçants, restent quelque peu réticents quant à cette pratique. Mais à quoi est dû ce manque d’engouement ? Est-ce les commerçants qui n’ont pas encore cette « culture » des soldes ? Ou bien, est-ce par manque d’informations des uns et des autres, quant aux règles de la mise en application de cette pratique commerciale ?

La «culture» des soldes peine encore à s’ancrer dans les mœurs

A Bouira, à l’instar des autres wilayas du pays, on est loin de la frénésie et de « la fièvre acheteuse » qui s’empare des ménagères. Du côté des commerçants de vêtements et autres articles ménagers, c’est la méconnaissance totale de cette période, du moins pour ceux que nous avons interrogés. En effet, à travers les artères commerçantes de la ville de Bouira, rien ne laisse penser à un quelconque événement. « Des soldes ? Je ne suis pas au courant ! », dira un marchand d’habillements du quartier des 130 logements. Un autre, établi au niveau du quartier Harkat et spécialisé dans les produits électroménagers, s’est dit «étonné», d’apprendre que les soldes ont déjà commencé et qu’ils tirent presque à leur fin. « Vous plaisantez, j’espère… Comment se fait-il que personne ne nous ait informés ? », s’est-il interrogé. D’autres commerçants diront avec un brin d’humour : « Chez nous, c’est les soldes chaque jour, tout au long de l’année ! On propose des prix qui sont déjà au rabais ». Abass, un commerçant spécialisé dans la chaussure pour femmes soulignera le fait que ses soldes, à lui, il les a déjà faites au mois de décembre dernier. « Je n’ai pas besoin d’autorisation pour liquider mon stock et renouveler ma marchandise. Dès que c’est possible, je propose des prix cassés et des rabais qui peuvent atteindre les 60%. Alors, leurs soldes (réglementées, Ndlr), je m’en moque éperdument », a-t-il signifié. Cette perplexité et cette méconnaissance constatée chez les quelques commerçants du chef-lieu vis-à-vis de cette pratique, pourtant réglementée et régie par des textes de loi, on la retrouve également chez bon nombre de consommateurs interrogés sur le sujet. Ces derniers répondent du tac au tac : «  Rien n’est affiché dans les vitrines ! » ; «On n’a rien lu dans les journaux et on n’en a pas entendu parler à la radio !»… Sihem, mère de deux enfants, s’est même dite surprise de savoir que les soldes existent en Algérie. « Ah bon ? On a des soldes chez nous !? Vous m’apprenez quelque chose ! », dira-t-elle avant d’ajouter : « Je connais les soldes à travers les chaines de télé françaises. Je vois les gens se bousculer devant les magasins. Mais ici, je n’étais pas au courant que ça existait ». D’autres citoyens ont « entendu parler » de cette pratique, sans trop savoir ce qu’elle signifiait au juste. « Les soldes… Oui, j’ai vu cela au JT de 20h, il y a quelque temps déjà. Cependant, je ne sais pas ce que cela veut dire concrètement, puisqu’il n’est mentionné sur aucune vitrine le terme soldes », dira Saloua, étudiante de son état. En parallèle, il existe une minorité de consommateurs qui sont au courant de ces soldes et de leur réglementation. Cette frange de la société du moins la plus aisée, se rabat sur la capitale afin de profiter des réductions en tous genres chez les grandes enseignes d’habillement et autres grandes surfaces. « A Bouira, on n’a pas encore cette culture de soldes. Les rares magasins qui soldent leur marchandise, le font d’une manière anarchique et avec des réductions pas très alléchantes, variant entre 10 et 20% seulement», dira Kahina, étudiante à l’INPS, avant d’ajouter : « Dernièrement, je me suis offerte une robe de soirée à moitié prix, dans un grand magasin situé à Sidi Yahia (quartier huppé de la capitale, ndlr). D’ailleurs, comme je fais mes études à Alger, j’ai eu à constater que, là-bas, la culture des soldes est assez implantée. Les vitrines affichent, quasiment toutes, des réductions allant de 30 à 50%. J’ai des amies qui sont des ‘’fashion victimes’’ (accros à la mode), je peux vous assurer qu’elles ont fait de sacrées affaires ». Pour les petites bourses, il existe également les foires et autres marchés hebdomadaires. A signaler que dans la ville de Bouira, les termes « foire » ou « quinzaine commerciale » sont un peu galvaudés, car ces événements commerciaux durent généralement toute l’année. Du côté du marché de Draâ El Bordj, il existe un marché spécialisé dans l’habillement et les chaussures, où les consommateurs à faibles revenus trouvent aisément leur bonheur et ce, à de petits prix, autrement dit, des soldes qui durent toute l’année. « Je viens ici de manière systématique, car les prix y sont plus ou moins abordables », dira Salim, père de 04 enfants, qui précisera que pour lui, les soldes sont « une aubaine pour avoir des articles à prix cassés, peu importe leur période et leur réglementation. Il suffit juste de ne pas être très regardant sur la qualité et sur les dernières modes ».

 

Même le représentant de l’UGCAA de Bouira ignore les soldes

Face à cette situation de méconnaissance et parfois d’anarchie, on s’est rapproché des responsables du secteur du commerce, mais aussi du représentant de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), M. Talbi Ahmed. Ce dernier, interrogé sur la sensibilisation des commerçants vis-à-vis des soldes, s’est exclamé ainsi : «  Je ne suis pas au courant. Personne ne m’a informé à ce sujet !». Cet aveu, aussi déconcertant soit-il, prouve que la « culture » de cette pratique est loin d’être enracinée chez les commerçants, au même titre que leurs représentants, du moins à l’échelle de la wilaya. Du côté de la chambre de commerce de Bouira, initiative a été prise pour organiser des journées de sensibilisation sur le sujet. Le chargé de communication de cet organisme dira : « On a tracé un programme spécifique dans le but d’orienter et d’informer les commerçants sur les modalités de fonctionnement des soldes ». A propos des dates de début et de clôture de la période des soldes, notre interlocuteur dira que c’est la direction du commerce, avec l’aval du premier magistrat de la wilaya, qui est habilitée à les définir. « Notre rôle consiste à informer et à contrôler les commerçants, en organisant des sorties sur le terrain. Si vous voulez de plus amples renseignements, prenez attache avec le direction du commerce », nous a-t-il dit.

 

La direction du commerce veille à la réglementation

Au niveau de la direction du commerce, le directeur, M. Goumri, expliquera que les textes de loi concernant les soldes sont on ne peut plus clairs. « La législation en la matière permet aux commerçants, pendant une période déterminée, de solder leurs articles afin de renouveler leurs stocks d’hiver et d’été et dans certains domaines comme l’habillement, de suivre les modes », a-t-il souligné. Concernant les démarches à suivre pour les commerçants désireux d’appliquer les soldes, ce responsable mettra en évidence la simplicité de la procédure : « Ils n’ont qu’à prendre attache avec nos services et nous fournir la liste d’articles mis en soldes. Il s’agit généralement d’habillement, de chaussures et, à moindre degré de certains types d’appareils électroménagers. Nous nous occupons ensuite de répertorier cela ». Répondant à une question relative à l’affichage de la mention « soldes » sur les devantures des vitrines, M. Goumri dira qu’elle est obligatoire et ce, pour ne pas désappointer la clientèle. S’agissant de « culture » des soldes à travers le pays, et plus précisément à l’échelle de la wilaya, le directeur du commerce notera qu’elle est « quasi-inexistante », avant d’ajouter : « Je ne peux pas blâmer les petits commerçants des quartiers de ne pas connaitre les règles commerciales, car ils ont un fond de roulement assez restreint. En revanche, si on avait de grandes enseignes, avec un fond de roulement assez conséquent, là la dimension des soldes et leur impact sur le plan économique pourrait s’en ressentir », a-t-il conclu. 

Ramdane B.

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