Cinquante années après le recouvrement de l’indépendance nationale, et malgré leurs âges avancés, plusieurs enfants de Chouhada sont toujours à la recherche de la sépulture de leurs parents tombés au champ d’honneur. « Mon souhait le plus cher est de me recueillir sur la tombe de mon père et de la laisser à mes enfants », nous confie, avec beaucoup d’émotion, Aami Tahar qui aurait pu être un heureux grand-père s’il n’y avait pas ce problème. Il ajoutera que son cas n’est pas unique puisque ce problème est partagé par un grand nombre d’enfants de martyrs. C’est à partir de 1963, qu’il a été décidé d’aller à la recherche des sépultures de tous les martyrs de la Révolution et exhumer leurs ossements afin, non seulement de les honorer en leur offrant un cimetière à la hauteur de leur sacrifice, mais également pour qu’ils ne soient pas oubliés par les futures générations et que leurs mémoires restent à jamais inscrites en lettres d’or dans l’histoire du pays. Ainsi, pour Tizi-Gheniff et M’Kira, qui formaient une seule commune jusqu’en 1984, c’est en 1965 qu’il a été décidé la création du cimetière des Chouhada d’Adila, à proximité de la RN68, un site tout à fait isolé puisque le village socialiste n’existait pas encore. « Le cimetière compte cinquante tombes, mais toutes anonymes, aucune n’est identifiée même si au moment de l’enterrement, les sacs contenant les ossements étaient accompagnés de feuilles de papier portant les noms et prénoms des martyrs, ainsi que leurs affiliations et les dates de leur mort », soutient Aami Rabah, l’un des plus acharnés à régler ce problème et qui était âgé à l’époque, d’une douzaine d’années. « J’ai toujours en mémoire le sourire de ce moudjahid qui creusait sa propre tombe sous l’olivier qu’on appelait Thazamourth Idhebalène. Ce sourire et ce visage resteront gravés dans ma mémoire jusqu’à mon dernier soupir », nous raconte notre interlocuteur, la voix pleine d’émotion. Aussi, et selon toujours notre interlocuteur, ces tombes peuvent être identifiées à la seule condition de les rouvrir.
Essaïd Mouas