Sans lui, il n'y aurait pas eu de révolution!

Partager

En cette journée nationale du Chahid, la mémoire de la guerre de Libération nationale prend assurément un peu plus de relief, d’autant plus que cette journée est intégrée dans les festivités générales du 50e anniversaire de l’Indépendance du pays, lesquelles comprennent même la fastueuse foire agricole qui se déroule actuellement au Pins maritimes.

On sait pertinemment que le prestige des journées destinées à commémorer des événements historiques, aussi haut en couleurs et aussi chargé en symbole qu’il puisse être, ne pourra jamais suppléer au vrai travail de mémoire axé sur la recherche historique, l’enseignement de l’histoire réelle du mouvement nationale et de la guerre de Libération ainsi qu’un travail de vulgarisation que sont censés mener les musées, les centres culturels et les médias. Néanmoins, certains acteurs de la guerre, supposés pouvoir éclairer la jeunesse algérienne sur les hauts faits d’armes et sur l’esprit d’abnégation qui ont conduit le pays à l’indépendance, versent malheureusement dans une espèce d’autocongratulation et de nombrilisme ringards qui ne siéent guère à l’enseignement de la vérité historique. C’est ce à quoi nous sommes invités, avec le « témoignage » que Ali Mahsas vient de livrer à un journal arabophone en cette journée du 18 février. À la « une » du quotidien, Mahsas lance tout de go: « Sans moi et Ben Bella, il n’y aurait pas eu de Révolution »! Pas moins. Dans le corps de l’entretien, il ajoute: « Je ne suis pas en train de faire ma propre louange ». Est-ce avec cet égocentrisme dévoyé et sénile que l’on compte cultiver l’amour du pays, de son histoire et de ses héros? La jeunesse du pays a l’esprit ailleurs. Allons du côté de la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Un travail titanesque de recueil de photos, plus de 500, y est exposé par Mustapha Fettache. Ce dernier a ratissé toutes les communes de la wilaya, et il est allé au-delà pour fixer la mémoire de la guerre de Libération à travers un travail photographique d’une exceptionnelle densité. Cet effort pédagogique, ajouté à celui que déploient des associations de fils et de filles de chahids, ainsi que de leurs veuves, regarde de haut, nargue même, tous les fausses grandiloquences débitées à la hussarde et qui ne pourront jamais servir l’histoire ni la transmission de la mémoire. Au vu de toutes les déviations qu’a subi l’esprit du combat libérateur, l’on est tenté de répéter avec feu Bessaoud Mohand Arab, ancien officier de l’ALN et un des fondateurs de l’Académie berbère: « Heureux les martyrs qui n’ont rien vu »! Ils seraient sans aucun doute malheureux, à la vue du destin peu glorieux de la jeunesse d’aujourd’hui et de la manière dont la mémoire de la guerre a été utilisée pour justifier des privilèges et des conduites autocratiques. Des tentatives de dévier et de travestir l’histoire récente du pays n’ont pas manqué au cours des cinquante dernières années, et l’acquisition de la qualité de moudjahid par des faussaires attitrés n’en est pas des moindres. Et puis, à l’image de tout le peuple algérien auquel il dénié d’exercer sa souveraineté dès le début de l’indépendance, les moudjahidine, survivants et compagnons d’armes des martyrs qui se sont sacrifiés pour le pays, ont, aux aussi, été mêlés aux errements de la gestion catastrophique du pays. Les gouvernants se sont « légitimés » au nom de l’historicité et de la Révolution. Selon les circonstances et les intérêts, on a mis dans le sac des « constantes nationales », l’arabité l’islamité le socialisme, la parti unique du FLN,…etc. Ce n’est que lorsqu’une patente impasse historique se dessina fatidiquement devant le pouvoir politique en octobre 1988 que de nouvelles  »constantes » firent leur entrée dans la Constitution: multipartisme, économie de marché et…tamazight comme seconde langue nationale, après les événements sanglants du Printemps noir. La fatalité biologique est en train de vider la scène nationale des acteurs de la guerre de Libération. Il y a une extrême urgence à recueillir leurs témoignages; mais, de grâce, évitons ces formules lapidaires et avilissantes de « sans moi, il n’y aurait pas eu de Révolution ».    

Amar Naït Messaoud

Partager