Écrire une biographie et raconter une carrière riche de quarante années est loin d’être une chose aisée. Les Abranis, est un groupe mythique, il est plus qu’un groupe standard figé sur quelques personnes, c’est un groupe en constante évolution. Nous avons invité au bureau de notre journal à Vgayet, Karim Abranis, membre fondateur de ce mythique groupe, qui a bien voulu nous accorder cet entretien.
La Dépêche de Kabylie : En quelle année le groupe Abranis a-t-il été créé ?
Karim Abranis : Le groupe a été créé en 1967. Mais sa concrétisation fut en 1973 avec mes amis Samir Chabane (batteur), Madi Mahdi (guitariste) et Shamy el Baz (organiste).
Comment avez-vous choisi le nom Abranis ?
Il nous fallait choisir un nom qui sonne bien et qui soit facile à prononcer et à retenir. Nous planchions sur un livre intitulé « Histoire de l’Afrique du nord » écrit par l’historien Charles André Julien, et nous avons trouvé Branis, nom d’une ethnie sédentaire Numide remontant au 6ème siècle, une ancienne tribu berbère du roi Aksil «Koceila ». Le nom nous séduit et nous l’adoptâmes au cours de la même année lors de notre participation au premier festival de la chanson. On nous a vivement recommandé d’ajouter un A devant pour faire plus Algérien et moins Anglo-saxon.
Parlez-nous de vos débuts…
Nos débuts furent laborieux, comme pour chaque groupe qui veut trouver sa place. Manque de moyens, manque d’expérience. Je me rappelle qu’en Algérie, dans les années 73-74, il y avait une telle pénurie que les producteurs de l’époque effaçaient les cassettes invendues pour enregistrer dessus les nouveaux titres. Les cassettes vierges étant introuvables…Les salles n’étaient pas équipées pour la musique, ils nous mettaient quatre chaises et quatre micros sur scène en guise de sono, pas d’éclairage…paperasse et tracasseries administratives n’en finissaient pas…..à présent les moyens techniques et humains qui faisaient défaut à nos débuts existent enfin en Algérie. Je pense aux systèmes de sonorisation, aux éclairages scéniques, aux ingénieurs de sons… Auparavant, il fallait tout ramener de l’étranger ce qui ne fut pas chose aisée.
Vos influences sont surtout Anglo-Saxonnes, comment ont-elles été perçues par le public à l’époque ?
Mes influences étrangères sont surtout Anglo-Saxonnes en effet. Parmi les groupes je citerai : Pink Floyd, Deep Purple et Beatles. J’ai adoré les films d’Elvis Presley, les chanteurs de Soul music tels Otis Redding, James Brown et en France j’aimais bien Johnny Hallyday, Eddy Michel … En Algérie comme ailleurs, les générations se suivent mais ne se ressemblent pas. En Algérie, dans les années 70, les gens n’avaient pas accès aux médias étrangers comme maintenant. Les télés, les radios, Internet et la presse multiple, ne nous parvenaient pas encore, ils n’avaient donc pas d’éléments de comparaison pour juger d’un produit ou d’une musique. Pour les uns nous étions des extra-terrestres, avec nos looks et notre style de musique qui tranchaient avec tout ce qui se faisait à l’époque, certes les jeunes étaient enthousiastes, mais l’ancienne génération était plus expectative, voire hostile pour une petite minorité.
Et le public d’aujourd’hui ?
Je dirai tout simplement qu’il est connaisseur et exigeant, il n’accepte pas n’importe quoi, une attitude et exigence que je respecte beaucoup. C’est pour le plus grand bien de la chanson Kabyle. Nos tubes qui ont enchanté les générations des années 70 ont la même magie sur les jeunes générations. Il sera suffisant de prononcer Linda, Wali Kan (regarde seulement), Tizizoua (les abeilles), Immetti n-Tayri (les larmes de l’amour), Laàslama Aya Avehri (bienvenu ô vent), Chenagh le blues (j’ai chanté le blues) et d’autres pour que nos fans vous racontent le reste de chaque histoire.
Parlez-nous de vos expériences les plus enrichissantes…
Parmi les expériences les plus enrichissantes que nous avons eues, il y a les rencontres avec des musiciens prestigieux tels : Dédé Ceccarelli ( batteur de renommé mondiale) et son non moins connu complice, le bassiste Tony Bonfils avec lesquels nous avons enregistré l’album « Avehri » dans un grand studio parisien (le studio Acousti),en 1983 puis d’autres musiciens non moins prestigieux comme le bassiste Yannick Top (qui devint par la suite le bassiste et directeur artistique de Johnny Hallyday) avec qui nous avons enregistré l’album « Imeté Tayri » sous la direction de Jean Michel Hervé ( de l’orchestre du Splendide) en 1978 mais la rencontre la plus anecdotique et la rencontre avec Claude François en 1974 qui a bien voulu accepter que nous tournions deux clips « Scopitone » avec son groupe de danseuses les ‘’Claudettes’’.
Des projets ?
Comme tous les artistes conscients et soucieux de leur culture, le groupe Abranis travaille encore davantage pour produire tout en veillant à la perfection.
Le mot de la fin…
Je remercie la Dépêche de Kabylie pour l’intérêt qu’elle porte à notre groupe en particulier et à la chanson kabyle en général. Notre groupe fête ses quarante années d’existence et d’expérience que nous mettons à la disposition du monde artistique.
Entretien réalisé par Bassaid Khiari