Par Abdennour Abdesselam
Par définition conventionnée, le pléonasme s’invite à faire dans la redondance, la répétition ou même le cliché. Dans la culture berbère de Kabylie l’usage du pléonasme s’oppose à cette explication tranchée. Il n’est pas une faute de langage ou de la dissertation. Il fonctionne en une forme d’insistance de la réplique. Dans notre cas, le pléonasme permet de donner encore plus de valeur, une plus grande intensité à la profondeur et à la portée des mots, et donc à l’idée exprimée. Ainsi, si l’on compare, pour le seul besoin d’illustration et de sujet d’exemple explicatif mais sans aucune intrusion de compétition, les deux langues française et kabyle, le proverbe : « nager comme un poisson dans l’eau » Et le proverbe : » am waman deg waman »(être comme l’eau dans l’eau), on peut proposer le commentaire suivant : ces deux proverbes semblent exprimer la même idée dans l’accomplissement de la plus grande liberté de mouvement du corps ou d’esprit que l’homme peut atteindre. Mais à y voir d’un peu plus près, on remarquera que le proverbe d’expression française argumente par la présence de deux corps étrangers (sinon différents) car constitués de substances biologiques différentes et qui sont: « poisson » et « eau ». Il y a contact entre les deux. Ce qui naturellement produit un frottement que la science de la physique explique comme étant une force qui empêche ou qui freine le mouvement des deux corps en contact. Notre poisson ne semble donc pas être si libre de ses mouvements qu’on ne le pense. En revanche, dans le proverbe d’expression kabyle le corps « aman » (eau) n’est en contact qu’avec lui même. L’eau se mélange à l’eau. Aucun frottement. Rien ne provoque ni n’évoque l’idée de réduction, d’obstacle, d’empêchement, de freinage du mouvement recherché par l’idée proverbiale. Le phénomène physique contraignant décrit plus haut ne se produit pas. Dans » am waman deg waman », l’argument est encore plus poussé. Le raisonnement est raffiné. Le sens du mot est laissé libre à ses nombreuses évocations magiques. Il se produit seulement un mouvement qui va sans fin de course pour multiplier les réussites du sens. C’est tout. Daya. A suivre.
A. A.
