Du proverbe kabyle : Résumé/Conclusion

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Par Abdennour Abdesselam

La tentation de dire que le proverbe kabyle remplit une fonction linguistique particulière vaut la déclaration. En effet, avions-nous dit précédemment, le proverbe est une œuvre, un chef d’œuvre, une forme littéraire élevée de la langue. Il est l’art de la parole, un élément qui établie un rapprochement et une forte liaison entre l’homme et sa langue. Il est dit et avec lui, l’oralité n’est plus définie ou décriée comme moyen d’expression mineur. L’oralité est une attitude, une option. Elle devient pour nous un choix qui rend l’expression de notre vision du monde. Instrument efficace du langage, le proverbe résume une idée en une plus petite combinaison possible de mots pourvus de sens en suppléant ainsi à la faiblesse du langage. En effet, le locuteur a souvent recours aux formules proverbiales ou paraphrases appropriées, comme pour se « dédommager » de cette difficulté à rendre surtout l’abstrait. Le proverbe est une disposition pour les grands genres et les grands raisonnements. Il joue un rôle d’arbitre entre interlocuteurs et assure la compréhension. Selon ses intentions et en fonction des besoins, le locuteur choisit le ou les proverbes appropriés qui lui permettront, ensuite, d’argumenter par la démonstration. Pour cela, il agit sur la sensibilité l’admiration, le fantastique, l’attrait de la rime, la sonorité l’humanisme des mots et leur liaison. Il use du formidable effet d’images que produit le rapport. L’auditoire est alors mis en condition d’écoute particulière. Ainsi, pour dissiper ou tirer un trait sur un malentendu, on usera de la correspondance de l’image comparée comme dans : Ur yeqris uyeddid, ur nghilen waman. Parler à un auditoire est toujours une appréhension. En cela, le proverbe libère la parole. Il est vite perçu comme une entrée dans la connaissance de la langue par son registre Tamussni formateur des rhéteurs. Ces derniers ont alors le souci de développer leur aptitude à bien parler car « Le maître du dire (bu wawal) est aussi le maître du pouvoir et de la décision (bu rray)  » disait Dda Lmulud. Aujourd’hui, l’ambiance moderne, avec ses nouvelles exigences, fait que la langue berbère se doit de franchir les divers (les derniers) obstacles et restrictions qui, jadis, lui ont été imposés. D’autant plus que n’ayant pas jouit d’une des dimensions fondamentales que confère l’écrit dans la conservation de la langue, des pans entiers de la culture berbère ont disparu. Aussi, l’intérêt est de fixer le maximum de proverbes par l’écrit, entre autres valeurs culturelles, pour éviter qu’ils ne soient définitivement oubliés. La vie nouvelle commande des limites aux langues à tradition orale, ce qui naturellement doit nous interpeler tous, car disait encore Dda Lmulud : « Il faut happer les dernières voix avant que la mort ne les happe » (laqchet awalen ineggura skud ur ten-tluqech tmettant).                    

A.  A.

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