Seraient-ce des promesses en l’air ? L’on n’a de cesse de clamer en haut lieu depuis un moment, que c’en est fini de l’épineux problème du foncier. Qu’en est-il en réalité ? Combien sont-ils, ces investisseurs à vouloir donner vie à leurs projets, mais à buter sur la non-disponibilité d’une assiette de terrain pour accueillir un rêve longuement entretenu ? Et qu’arrive-t-il, si toutefois, ce que vous parvenez à acquérir de droit est injustement légué à autrui ? Dans le cas que nous allons évoquer, un investisseur s’est fait déposséder de ce qui lui était destiné, malgré maintes tentatives de le récupérer. C’est un homme désabusé et qui en a gros sur le cœur, qui nous a rendu visite, hier. Il s’appelle Ammar Ouali Terzi. Il vient de Tizi-Ouzou. Cet homme de 46 ans a investi dans deux projets d’envergure dans la wilaya. Le premier, à vocation touristique, dans une région qui a « faim » de pareilles initiatives : un hôtel doté d’une station thermale à Tigzirt, mais dont seulement un tiers a été réalisé, et dont le coût de l’investissement est estimé, selon notre interlocuteur, à 25 millions de dinars. Le second est une imprimerie implantée au centre de la ville des Genêts. Le jour où M. Terzi a envisagé de faire une extension de son imprimerie (imprimerie Eurl Terzi qui fabrique des formulaires en continu Listing et étiquettes d’une superficie de 120 m2, qui emploie 22 personnes, et d’achever son hôtel, il était à des années-lumière de s’attendre à la mésaventure qu’il allait vivre. L’ « imprimeur » de Tizi introduit une demande en octobre 2000 auprès de l’Agence foncière de Tizi-Ouzou (T.O), pour l’obtention d’une assiette destinée à accueillir l’extension de sa fabrique. Ladite agence donne une suite favorable à sa requête en lui attribuant un lot de terrain dans la zone des Dépôts à T.O. « Un mois après, je me présente à l’agence foncière afin de régler les droits relatifs au terrain, je me retrouve attribuer une autre assiette, accidentée et non-conforme à mes besoins de construire et d’investir. Mon terrain initial, portant le n° 58 (d’une superficie de plus de 1 800 m2, m’a été échangé contre un autre portant le n°11… « , écrit M. Terzi, dans une correspondance au wali de Tizi-Ouzou, pour lui exposer son cas. Il fera, en vain, une opposition à l’attribution de ce terrain. Notre interlocuteur a tenu à étayer ses propos pour être pris au sérieux par de multiples documents, dont quelques-uns sont encore en notre possession. Aux dires de ce dernier, ce qui lui revenait a été confié à un autre « qui dispose déjà de deux autres terrains dans la même zone ». Commence alors pour lui un calvaire quotidien, qui dure depuis trois longues années, fait de journées entières passées à user les bancs des salles d’attente à la wilaya, de correspondances sans suite à l’Inspecteur général et au Conservateur du foncier de la wilaya de Tizi. Comme un malheur n’arrive jamais seul, M.Terzi a eu la malchance de voir le local qu’il loue chez un particulier au prix fort de 37 000 DA le mois, « bouché » par les travaux de la Rocade sud de T.O. « Impossible de faire fonctionner mes machines. C’est ainsi que je me retrouve à payer le loyer et des salaires pour des employés inactifs », fulmine le propriétaire de l’imprimerie. Le plus gros de ses griefs, l’opérateur de Tizi, les dirige contre l’Inspecteur général de la wilaya, à qui il reproche vivement de « faire perdurer le problème » et de ne « rien faire pour le régler », et bien d’autres choses encore. L’infortune, telle une sangsue, semble se greffer à sa peau, puisque son autre projet à Tigzirt est lui aussi à l’arrêt pour cause de non-régularisation d’une extension par l’agence foncière locale, dont le statut n’était, à l’époque des faits, pas tout à fait réglé. L’infortuné, en désespoir de cause, et ne savant à quel saint se vouer, écrit même au président de la République et au Chef du Gouvernement, et l’on peut lire, dans une lettre adressée à ce dernier : « Le foncier industriel est détourné de sa fonction originel, remettant en cause plusieurs projets d’investissement ». « Je ne suis pas un voleur, mais juste quelqu’un qui essaie de monter sa petite affaire sans histoires », lâchera notre interlocuteur visiblement affecté par tout ce qu’il a enduré. Et ce n’est pas rien. Et de poursuivre avec le même désespoir compréhensible : « J’ai des remboursements de crédits bancaires à honorer, et qui s’élèvent à 8 millions de dinars en 2005. Des crédits octroyés par la Banque extérieure d’Algérie (BEA), que je tiens à saluer vivement au passage pour tout ce qu’ils ont fait pour moi. J’ai payé également 3 millions de dinars en IRG, l’année passé ». Il enchaînera avec un constat cinglant : « C’est à croire que l’on fait tout dans ce pays pour briser les porteurs de bonnes initiatives ». Sa décision est prise : dès que l’accord sera donné il délocalisera son activité pour s’implanter et travailler à Boumerdès. « Je le fais la mort dans l’âme. Mais on m’y a obligé », lancera-t-il. Et pour son autre projet ? La réponse est on ne peut plus catégorique : « Une fois que j’aurais l’acte de propriété, je vends tout ! ». Dans la foulée, M.Terzi tient à dénoncer les agissements de certains « irresponsables », les blocages et autres entraves qui, non seulement, mettent un frein aux investissements dans la région de Kabylie, mais « font regretter amèrement leur geste à ceux qui sont déjà sur place, et les poussent inévitablement vers la porte ». Dans les mêmes colonnes, nous rapportions, il y a quelques mois, le cas d’un autre industriel, le DG de la société Polycad, qui a émis le désir de quitter la zone industrielle de Tizi pour aller vers celle de Blida, pour le motif que « les conditions d’investissement y sont défavorables ». Combien sont-ils dans le cas de Terzi Ammar Ouali ? « Nombreux », répondra l’intéressé. A méditer messieurs les responsables
Elias Ben
