«Je ne partage pas la vision autonomiste de Ferhat»

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L’APC d’Illiltène, en collaboration avec l’association féminine locale « Tisdnane », a organisé avant-hier, à la maison de jeunes de la localité une journée commémorative du printemps berbère 1980.

à cet effet, l’une des figures de proue et membre fondateur du Mouvement Culturel Berbère MCB, Djamel Zenati en l’occurrence, a été invitée par les organisateurs pour une conférence-débats portant sur le thème des événements du 20 avril. Après l’observation d’une minute de silence à la mémoire des martyrs de la démocratie, le conférencier dira : « 33ans sont déjà passés depuis avril 1980, et cela fait 12 ans que Tamazight a le statut de langue nationale dans la constitution, mais son enseignement reste facultatif et est limité en Kabylie. Aujourd’hui, la Kabylie est divisée (…) l’unité des rangs s’impose, il est du devoir de chacun de nous de se remettre en cause. Tamazight est un vecteur d’union, elle symbolise aussi les droits de l’homme, la liberté d’expression, le droit au développement et à la diversité. Il n’y aura pas de démocratie sans Tamazight (…) Aujourd’hui, le peu d’acquis arrachés de haute lutte est devenu orphelin, c’est comme une lumière en voie d’extinction, cette date historique ne doit pas être folklorisée ». Et à l’orateur d’aborder les événements du printemps berbère : « Avril 80 n’est pas l’œuvre d’une génération spontanée, c’était une lutte perpétuelle qui tirait ses fondements des différents colonisations de l’Afrique du nord, bien au-delà de la crise berbériste de 1949. D’ailleurs, ce sont ces colonisateurs successifs qui ont façonné le régime autoritaire d’aujourd’hui, qui ne fait que perpétuer leurs systèmes ». Zenati continuera par narrer la genèse des événements : « L’ouverture de l’université de Tizi-Ouzou en 1977 débuta avec une promotion d’étudiants et de professeurs où figuraient notamment Ramdane Achab et Hand Saadi, des éléments rompus aux luttes politiques au sein du FFS et de l’Académie berbère de France, des personnalités très sensibles à la question identitaire. Avant avril 80, nous avons organisé un mouvement de grève de 06mois à cause des conditions socio-pédagogiques, notre mouvement est le 1er syndicat autonome en Algérie agréé par le ministère de l’Enseignement supérieur de l’époque. Pour nous c’était déjà une victoire qui nous a galvanisés et encouragés à organiser des activités culturelles à l’université. Et pour la 1ère fois, le combat identitaire a rompu avec la clandestinité il a su joindre la notion de citoyen à celle de la nation. Suite à l’empêchement par les autorités, le 10 avril 1980, de la conférence sur la poésie kabyle ancienne de l’illustre écrivain Da L’Mouloud Mammeri à l’université nous avons créé un comité universitaire composé d’étudiants et de professeurs engagés et nous avons occupé les lieux jusqu’à l’assaut des militaires dans la nuit du 20 avril, d’ailleurs, c’est cette répression qui a sauvé le mouvement, car la veille, il y a eu des divergences entre nous, et tout le monde connait la suite ». Répondant à un intervenant sur la question des Aârch, le conférencier dira : « Ce mouvement est un tout et un rien à la fois. Après le soulèvement de toute une région, il y a eu le parachutage d’une chapelle qui venait d’on ne sais où pour soi disant encadrer le mouvement. Les structures traditionnelles, partis politiques, associations, comités de villages ont tous été marginalisés et détruits, peu ont survécu à ce mouvement qui a réduit la Kabylie à néant, après quelques 126 morts ». L’autre question abordé par l’animateur avait trait au MAK de Ferhat M’ henni : « Personne ne peut nier le combat de Ferhat pour l’identité Amazighe, néanmoins, je ne partage pas ses visions autonomistes. Moi, je suis contre un système fondé sur l’ethnie, la religion ou la langue. Mais je suis pour l’autonomie des régions et celle-ci ne peut se concevoir que dans un état politique démocratique, en sortant du système autoritaire et en évitant de retomber dans les erreurs du mouvement 89-90 ou dans celles de nos voisins. Nous devons inclure pour l’Algérie de demain, toutes les composantes nationales, les ethnies, car, il est dangereux de fonder un état démocratique sur l’ethnie, une religion. Entre l’Islam et l’islamisme, il y a une différence, l’Islam est unificateur, l’islamisme quant à lui est diviseur. Dieu s’adresse à l’homme, les islamistes s’adressent aux masses, ils se légitiment avec la religion, c’est la même chose pour la langue, il est dangereux de fonder un ordre politique sur un statut supérieur ». L’orateur terminera en donnant rendez-vous à l’assistance, très nombreuse, sur le terrain des luttes pacifiques, dans le but d’instaurer un Etat de droit.

A la fin de la conférence, un cadeau lui a été remis par le vice-président de la municipalité d’Illiltène. Durant la journée, il y avait aussi une exposition de Houria Ahtour sur la chronologie du printemps berbère, avec des revues, des coupures de presse et des caricatures, en plus de la projection d’un film documentaire intitulé « Tiewinin » sur la commune d’Illiltène »

Madjid  Aberdache

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