Le Commentaire

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Par Amar Naït Messaoud

Il serait temps sans doute de  »dépolitiser » le développement économique, la gestion locale et même les visites des officiels (ministres, secrétaires d’État,…) dans les wilayas, puisque, est-on tenté de dire, ils ne  »font que leur travail ». Cependant, le déplacement du Premier ministre, ce samedi, à Bejaïa, revêt un caractère un peu particulier, un tantinet  »intimiste », suscitant beaucoup d’espoirs et autant de projections pour le futur de cette région. En dehors des rendez-vous politiques (généralement des campagnes électorales), aucun responsable de ce rang ne s’est rendu dans la région de la Soummam. Une région qui, dans l’adversité de son environnement et l’  »autisme » des autorités centrales qui ont duré plusieurs années, a su montrer le chemin du développement et dessiné les esquisses de ce que devra être, demain, l’image d’un territoire ouvert sur l’investissement, l’activité touristique, les échanges avec les autres wilayas et même avec l’étranger. En résumé l’ancienne Bougie, avec l’effort esseulé de ses enfants, allume la bougie du développement que les pouvoirs publics, et précisément le gouvernement, ont le devoir de transformer en une lumière incandescente sur tous les plans de la vie sociale, économique et culturelle. Comme l’ensemble du territoire de la Kabylie, subissant les contraintes du relief et les agitations politiciennes qui ont largement desservi les populations, la wilaya de Béjaïa- avec une population résidente de presque un millions d’habitants et une superficie de 3 261 km2- donne pourtant l’exemple de la voie à suivre pour sortir de la médiocrité et de la politique politicienne. Les investisseurs locaux n’ont pas attendu que toutes les conditions soient réunies pour retrousser les manches et installer un tissu d’entreprises agroalimentaires et d’autres services dans le couloir d’Akbou-El Kseur. À elle seule, Général Emballage produit 80 % des besoins nationaux en carton ondulé et souhaite investir à l’étranger si la loi sur le transfert des changes ne se posait pas en obstacle. Il en est de même de Cevital, qui est en train de chercher des voies alternatives pour faire le saut en…Afrique. Ces entités économiques, les travailleurs qui en sont les salariés et leurs familles ne demandent pas au gouvernement la charité ou la lune. Ils revendiquent l’intervention de l’État, comme cela se fait à travers le monde et dans le reste du territoire national, afin de désenclaver la région par un réseau routier dense et efficient, par la modernisation du chemin de fer, par l’extension du port de la ville (classé premier port national en 2012 sur le plan du tonnage en transit, mais dont la file d’attente en rade a augmenté de 50 % entre 2011 et 2012), et par d’autres actions tendues vers la facilitation de l’accès au foncier. La préoccupation, qui est devenue le leitmotiv de tout le monde à Béjaïa (populations, monde associatif, entrepreneurs, administration du port), est sans conteste cette fameuse route pénétrante que n’arrive pas à pénétrer un rai de lumière depuis que le projet a été inscrit en étude, puis en réalisation, il y a des années de cela.  Destinée à rallier l’autoroute Est-Ouest, au niveau de la localité d’Ahnif, dans la wilaya de Bouira, à partir de la ville de Béjaïa, cette route, conçue 2X2 voies, a pour mission d’apporter plus qu’une bouffée d’oxygène à la région. Elle sera la source d’une « révolution »  économique, à même de booster tous les secteurs: agroalimentaire, transport de marchandises reçues au port, agriculture, tourisme,…etc. Le calvaire que vivent aujourd’hui les voyageurs et les différents transporteurs sur les 100 km de la RN 26 n’a sans doute pas son équivalent sur le territoire national. L’on n’est jamais sûr que le record du retard que l’on fait sur cette distance ait été atteint: 5 heures, qui dit mieux? Un article de presse ne suffira jamais à relater la souffrance des familles qui se rendent à Béjaïa sur cette étroite voie de la Soummam, particulièrement en été lorsque les flux touristiques commencent à s’ébranler vers la capitale des Hammadites et ses plages. Et si, par malheur des barricades sont dressées par des jeunes en colère contre les autorités locales, on vous fait grâce du spectacle d’enfer qui s’ensuit.  Certes, l’action de l’État a été bien reçue dans certains domaines qu’il y a lieu, aujourd’hui, de capitaliser et de renforcer. Le barrage de Tichy-Haf, sur l’Oued Boussellam, est une petite  »révolution » hydraulique pour des dizaines de milliers de foyers des communes situées sur la Soummam. Mieux encore, un nouveau périmètre irrigué est programmé dans la région d’Akbou-Allaghène sur une superficie de 3 820 hectares, faisant jonction avec les deux nouveaux périmètres de la wilaya de Bouira, dans la haute et la moyenne Soummam. De même, l’aéroport Abane Ramdane est un autre acquis qui exige aujourd’hui l’extension de sa piste d’atterrissage. Et puis, l’on ne peut évoquer Béjaïa sans s’arrêter sur sa profondeur historique et culturelle. Ancienne capitale d’Algérie, elle présente des sites et des vestiges historiques qui ne demandent qu’à être préservés, valorisés et promus dans leur dimension mémorielle et touristique. La vieille ville est un autre chantier de réhabilitation du vieux bâti, qui ne peut être pris en charge que dans un cadre esthétique et culturel fondé sur le professionnalisme. Le développement est un tout insécable. Il convoque les compétences et les élites locales, il sollicite les pouvoirs publics et fait appel à l’intelligence nationale. Un pari qui n’est pas impossible pour la wilaya de Béjaïa.        

A. N. M.

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