Le Technicum Ouamrane otage d’une guéguerre

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Les travaux de réhabilitation du lycée technique Colonel Ouamrane sont à l’arrêt depuis plus de huit (08) mois. 

Entamé au mois d’août 2012, dans le cadre de la réfection des devantures des établissements scolaires au niveau du chef-lieu de la wilaya de Bouira, ce chantier a accumulé plusieurs retards, avant de carrément s’arrêter.  Pourtant, tout avait bien démarré avec le choix du bureau d’études et celui de l’entreprise chargée de la réalisation, le tout sous le contrôle du maître de l’ouvrage, la direction de l’éducation (DE) de Bouira. Les travaux comprennent le ravalement de la façade extérieure, le rehaussement des murs de clôture, la construction d’un poste de sécurité et la rénovation du portail d’entrée, pour une enveloppe budgétaire estimée à 746 millions de centimes et une durée de réalisation qui ne devait pas excéder les trois mois, pour coïncider avec la rentrée scolaire 2012/2013. Mais voilà que l’année scolaire tire à sa fin et le technicum Ouamran, est toujours sans murs de clôture, ni devanture et encore moins un poste de sécurité. Cet état de fait exaspère au plus haut point les enseignants et les parents d’élèves qui ne cessent de dénoncer l’intrusion de voyous et autres étrangers à l’intérieur de leur établissement, ce qui accroît sensiblement les risques d’agressions sur les élèves et mêmes sur les professeurs. Dans le but d’en savoir plus sur le sujet et connaître les causes exactes de ces retards, contact a été pris avec M. Messaoudi Saïd, l’entrepreneur chargé de la réalisation de ce projet.

«Les plans du BET sont incohérents»

Notre interlocuteur n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour désigner la personne, coupable selon lui, de tout ce retard. : « Tout ce beau gâchis est de la faute du bureau d’études, qui nous a fourni un plan complètement incohérent, plein d’approximations et d’erreurs d’appréciation », a-t-il déclaré. Avant de nous emmener sur le site, afin de nous montrer les « incohérences », qui seraient selon lui, la cause de l’arrêt des travaux. Une fois sur les lieux, M. Messaoudi nous dirigea vers une structure à peine entamée, devant accueillir le poste de sécurité : « nous sommes dans l’incapacité de poursuivre les travaux, car selon les plans fournis par le bureau d’études, il nous faudrait démolir une partie  du poste transformateur appartenant à Sonelgaz », nous a-t-il fait savoir. Il est vrai qu’entre le poste de sécurité et le transformateur électrique, il n’y pas plus de 60 cm d’écart, ce qui rend inévitable le chevauchement des deux structures. Ensuite, l’entrepreneur nous emmena vers les anciens murs de clôture qui menacent de s’écrouler à tout moment. Il nous lança : « Sur le plan du bureau d’études, les murs de clôture sont inclinés vers le bas et tirent même vers la chaussée. C’est grotesque ! ». Poursuivant sur sa lancée, M. Messaoudi, qui avait visiblement gros sur le cœur et envie de s’expliquer sur ce qu’il a qualifié de mascarade architecturale, nous a montré les « incongruités » du plan fait par le bureau d’études mis en cause : « Le train sur lequel est construit ce lycée nécessite une meilleure expertise. Le plan a été fait sans prendre connaissance de la réalité du terrain. C’est ce qui a engendré une incompatibilité flagrante entre le terrain et les plans », a-t-il expliqué. Allant plus loin dans son exposé il a étalé devant nous ledit plan, nous énumérant dans le détail ses failles, tout en affirmant qu’il était prêt à les confronter à n’importe quel expert. Interrogé sur la réaction du bureau d’études, après avoir pris connaissance de ces « anomalies », notre vis-à-vis assure que le BET l’aurait contraint à les rectifier, sans en faire mention dans le cahier technique de chantier : « Le BET m’a clairement signifié de refaire les travaux sans les citer dans le cahier de chantier. Chose que j’ai bien évidement refusé de faire ». Et d’ajouter : « Après la pose du ferraillage des poteaux j’ai demandé l’avis du bureau d’études sur une erreur dans les plans qui empêche la continuité des travaux. Leur recommandation m’a carrément choqué ! Figurez-vous qu’il m’ont tout simplement conseillé de scier le ferraillage, chose qui peut avoir des conséquences désastreuse sur le projet dans son ensemble ».  M. Messaoudi dit avoir adressé des correspondances au directeur de l’éducation, au wali de Bouira et même au Premier ministre, dans lesquelles il a signalé « l’incompétence » du BET. Questionné sur l’écho qu’auraient eu ses différentes requêtes, l’entrepreneur s’est dit désolé du fait que tous ses écrits sont restés lettres mortes : « Je n’ai eu aucune réponse. C’est l’indifférence totale ! ».   Et d’ajouter d’un ton dépité : «  Le directeur de l’éducation, à qui j’ai adressé d’innombrables requêtes et autres demandes d’audiences, m’a carrément posé un lapin à deux reprises ! Une première fois le 21 avril dernier et la seconde le 7 du mois en cours. Je ne sais plus à quelle porte frapper », nous a-t-il confié. Selon cet entrepreneur, et à en juger par tout ce qu’il rapporté les retards accumulés au niveau du technicum Ouamran seraient donc entièrement imputables au responsable du BET, en l’occurrence M. Ben Youcef Noureddine.

Le BET et le SPS sont unanimes : «L’entreprise est défaillante !

Ce dernier, que nous avons rencontré à son bureau, sis Hay El thaoura à Bouira, afin qu’il nous livre sa version des faits, s’est dit « pas du tout étonné des accusations mensongère et gratuites », proférés à son encontre par ledit entrepreneur, avant de déclarer : « Depuis quand une entreprise se permet-elle de juger le travail du BET ? On nage en plein délire ! (…) Cet entrepreneur n’a aucun droit d’émettre le moindre avis sur le plan, combien même celui-ci serait incohérent, comme il le prétend ». Quant au plan présumé incohérent, le BET nous avouera : « la première mouture avait certes quelques petits défauts, mais le second que nous avons revu et corrigé et donné à l’entreprise ne souffrait d’aucune lacune ». Et de préciser : « D’ailleurs, le PV de récupérations et de modifications des plans lui a été transmis ». S’agissant des supposées rectifications qui n’aurait pas été mentionnées sur le cahier technique, M. Ben Youcef a été catégorique : « C’est faux ! Tout ce qui devait être mentionné l’a été. Ce ne sont que de pures allégations », nous a-t-il encore certifié. Par la suite, notre interlocuteur, visiblement agacé par ce qu’il considère comme des attaques « gratuites avec des motifs personnels », n’a pas hésité à remettre en cause « la qualification » de l’entreprise : « Vous savez, toute cette histoire démontre que cet entrepreneur n’a pas les capacités nécessaires tant sur le volet humain que matériel. C’est pour cela qu’il se permet de dire de pareilles sottises ». A propos de la loge réservée aux gardiens, qui selon M. Messaoudi pourrait endommager le poste électrique de Sonelgaz, le BET s’est dit « atterré » par cette remarque : « Cet argument démontre une fois de plus la compétence approximative de l’entrepreneur. C’est un infime détail qui peut se corriger avec de simples encoches. Il n’y a pas péril dans la demeure », a-t-il expliqué. S’agissant de l’arrêt des travaux dans leur ensemble, M. Ben Youcef a, pour ainsi dire, enfoncé l’entreprise chargée de la réalisation : « à notre niveau, nous considérons que nous avons fait notre travail comme il se doit. Les plans ont été conçus selon les normes, le contrôle s’effectuait de manière régulière est assidue. A partir de là si cet entrepreneur ne veut pas exécuter les travaux, il devra en assumer les conséquences ».  A travers les déclarations de M. Ben Youcef, il en ressort que la version du BET est en tous points contradictoire avec celle de l’entrepreneur, ce qui n’explique toujours pas l’arrêt de ce chantier. Voulant de plus amples informations sur cet imbroglio, nous avons contacté la direction de l’éducation, plus exactement le chef de service du suivi des projets (SPS), M. Ben Messaoud. Ce dernier n’a pas hésité une seule seconde à corroborer la version du BET : « Je vous le dis très franchement, l’entreprise chargée de la réalisation des travaux s’est révélée défaillante », a-t-il lâché d’un ton sec. Et de poursuivre : « C’est tout de même un comble qu’un entrepreneur exige qu’on lui change de bureau d’études.  De toute ma carrière, je n’ai jamais entendu de pareilles élucubrations.  Cette entreprise a un plan, qu’elle l’exécute sans faire de vagues, elle est payée pour ça ! ». Questionné à propos du plan de réalisation, M. Ben Messaoud, abondera dans le sens du BET : « Ce plan a en effet subi de légers changements, mais il n’a rien d’incohérent comme le prétend l’entrepreneur. Il utilise cet argument, qui de surcroît ne tient pas la route, pour ne pas s’acquitter de sa tâche ». Enfin, et s’agissant du prétendu « faux-bond » de la part du DE lors des réunions du 21 avril et le 7 mai dernier, le SPS a rétorqué : «  Ce monsieur voit le mal partout ! Lors de ces deux dates, nous avions soit des sorties officielles, soit des préoccupations majeures », a-t-il indiqué.

Ramdane. B.

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