Le Parc des Grands vents, un maillon important !

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 Par  Amar Naït Messaoud

Le Parc des Grands vents, inauguré la semaine passée à Alger par le ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de la Ville, constitue une étape importante de la nouvelle politique urbaine que l’Algérie entreprend de mener, après de dommageables errements qui, durant plus de quatre décennies, ont mis à mal l’habitat, le cadre de vie et le citoyen. L’urbanisation menée à pas de charge sur les extensions des anciennes villes coloniales ont donné le résultat que l’on connaît. Des cubes de béton sans âmes, des refuges des victimes de l’exode rural, des cités dortoirs sans équipements qui puissent les humaniser, et même des viviers potentiels de délinquance juvénile. Ni espaces verts, ni bosquets, ni arbres d’alignement donnant ombre et verdure. Ni jardin de récréation pour les enfants et les personnes âgées. Les vents, les poussières et la chaleur accablante de l’été ne trouvent, dans la plupart des cités algériennes, aucune espèce de barrière ou de force modératrice. Le ministre, en parlant de la nouvelle ville Ali Mendjeli, constituant une extension de Constantine dans la plaine de Aïn El Bey, n’a pas hésité à parler de «catastrophe’’, au vu des grands déficits en équipements et commodités censés faciliter la vie aux habitants. Lorsqu’un quartier ou une ville n’est fait que pour ‘’contenir’’ physiquement ses habitants, il ne serait pas exagéré de parler de «parking humain», voire inhumain, au lieu de cité au sens propre du terme. « En construisant un quartier, on ne produit pas exclusivement des objets matériels pour des être impersonnels, des utilisateurs, des clients, dont on peut supposer les besoins, qui vont agir et fonctionner conformément aux plans établis par l’administration. L’urbanisme, c’est organiser une vie sociale, ou plutôt faciliter la vie sociale de groupes qui ont leurs habitudes, leurs cultures, leurs attentes », soutient Boualem Touarigt, urbaniste au CNRS. Il ajoute: « les citoyens façonnent leur espace, l’approuvent en s’y moulant, ou le rejettent en l’agressant, le modifient, s’y soumettent avec ou sans violence; ou alors, ils le protègent et le cajolent même ». En matière d’agression de l’espace urbain, les Algériens sont bien efficaces, eux qui, en l’espace de quatre décennies, ont fait presque table rase des espaces verts, jardins et boisements d’alignement, hérités de l’administration coloniale. Seuls demeurent quelques coins symboliques et qui sont malheureusement en manque d’entretien: le Jardin du Hamma, à Alger, le légendaire et luxuriant jardin de Biskra (aux portes des dunes de sable), visité et tant vanté par l’écrivain André Gide et d’autres petits carrés épargnés par l’entreprise de destruction. Souvent, la couleur grise du béton s’est substituée à la douce verdure et à l’ombrage dont bénéficiaient naguère les villes algériennes. Les forêts suburbaines et les jardins à l’intérieur de certains quartiers ont nourri de grandes convoitises de la part de certains «bras longs», qui ont parfois réussi à détourner de leur vocation ces espaces de récréation et à en faire des masses inertes de béton (villas, immeubles). La mafia du foncier a frappé un peu partout en Algérie. L’une des dernières affaires révélées par la presse, en automne dernier, est celle relative à la forêt de Cnastel, dans la banlieue d’Oran. Il se trouve que 27 promoteurs immobiliers ont eu accès à des lots de terrain sur ce magnifique espace de verdure. Une réaction indignée et salutaire est venue de la société civile oranaise consistant à défendre le cadre de vie des citoyens contre la rapine et la dilapidation des espaces de détente. Les intérêts mercantiles inhérents à l’accaparement de ces espaces sont immenses. Ils font partie de la mercantile spéculation immobilière dans le circuit de laquelle est aussi actionné le blanchiment de l’argent sale. Le retrait de l’autorité de l’État a logiquement permis la multiplication des dérives et l’espoir de l’impunité.

Une bouffée d’oxygène

Dans l’asphyxie et la promiscuité qui affecte la vie des habitants dans des villes algériennes surpeuplées et en manque de loisirs, seuls les espaces verts peuvent apporter une bouffée d’oxygène, au propre comme au figuré aux familles. Lors de la cérémonie d’inauguration du Parc des Grands vents, le ministre de l’Aménagement du territoire, de  ’Environnement et de la Ville, a invité les visiteurs « à utiliser des aires aménagées de découvertes et d’observation botaniques, à s’adonner aux randonnées pédestres et au jogging à travers des circuits dédiés, des parcours de santé ainsi qu’un centre équestre ». Dans le même souci d’offrir le maximum d’espaces de récréation, de détente et de loisirs aux familles habitant dans des agglomérations surpeuplées, les pouvoirs publics ont initié des projets d’aménagement de quelques forêts suburbaines, dites forêts récréatives, destinées à recevoir les familles, les enfants, les amateurs de sports de grand air. Des équipements de détente, de service et de jeux y sont inclus. 

La gestion de ces espaces se fait généralement par la procédure d’adjudication.

En tout état de cause, les millions d’unités de logements construites depuis que le gouvernement a lancé les trois plans quinquennaux, ont généré d’immenses besoins pour l’épanouissement physique et psychologique des habitants, et particulièrement des jeunes et des enfants. Il s’agit aussi de réduire le potentiel de violence urbaine qui naît non seulement du chômage, mais également de la promiscuité et l’asphyxie physique des villes. Ces besoins de récréation et de détente ne peuvent être satisfaits que par des programmes d’espaces verts, de parcs urbains, de forêts récréatives, généralisés à l’échelle du pays et se rapprochant des normes internationales en la matière.

 A. N. M.

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