Observations sur l’édition concernant la langue et la culture amazighes

Partager

Par Abdennour Abdesselam

Quatre axes de production ont été investis, à ce jour, par l’édition en ce qui concerne la civilisation, la culture et la langue amazighes. Il y a eu d’abord l’axe des études en sciences humaines (l’anthropologie, l’ethnographie, la sociologie, l’histoire etc.). Dans ce premier domaine, d’édition s’est articulée autour d’analyses, d’exposés et d’interprétations du monde Amazigh. Les auteurs sont dans leur écrasante majorité étrangers, français particulièrement. Le deuxième axe a trait au domaine de la description  linguistique de la langue et de sa préparation à son enseignement, déjà initié par Boulifa dans les années 1890 et le Fond Documentaire Berbère (le F.D.B), puis il fut perfectionné par Mouloud Mammeri. Le troisième axe est celui, en plein essor depuis trois décennies, ayant trait à la production littéraire globale directement d’expression amazighe. En effet, depuis les années 1980, un foisonnement de publications a vu le jour dominé par les recueils de poésie (de création ou de reprise), de quelques nouvelles, de romans, d’éphémérides, d’agendas culturels, de traductions diverses, de revues périodiques plus ou moins à courte durée de vie. Le quatrième axe se rapporte à une édition spécialisée sous la forme d’actes de colloques, de séminaires, de comptes-rendus de stages de formation… etc. Deux productions attenantes à ce dernier axe concernent d’une part le livre scolaire et parascolaire didactiques  encore à ses débuts et d’autre part une quantité notable de mémoires, d’études et d’enquêtes scientifiques substantiels et de bonne facture réalisés par les étudiants et leurs promoteurs au niveau des instituts d’Amazigh de Kabylie. Quant au cinéma d’expression amazigh, bien qu’il enregistre quelques titres, il demeure encore au stade de commencement. Le théâtre en revanche occupe une place non négligeable. Le monde de la chanson constitue aussi une donnée exigeante de la production. S’il est difficile et délicat d’émettre un avis sur la qualité des productions écrites il est cependant aisé de relever une volonté dynamique qui anime des auteurs qui s’engagent dans la création. Le maigre patrimoine écrit, hérité des anciennes générations, est très insuffisant pour  constituer une base de large indication hormis la célèbre compilation de Belaïd Aït Ali qui reste un best seller en milieu Kabyle. Avec sa nouvelle entrée dans le monde scolaire et universitaire il est évident que l’écrit militant, néanmoins respectable, doit s’accompagner de l’initiative professionnelle et savante. Cela étant les productions passent par les rets de la sanction populaire et les résultats sont encore longs à mesurer. La langue berbère a cependant l’avantage de ne pas vivre de dualité et certains côtés embarrassants tels le classicisme et son corollaire l’opposition entre une langue ancienne et une langue savante moderne. Autrement dit, il n’y a pas de langue de « classe  » qui subdivise la société amazighe en couches sociales. Il y a une langue dans son état naturel, non encore affectée ni asservie par le formalisme. Elle  demeure encore équilibrée, précise et surtout non prisonnière des « cadres rigides » d’où découlent les notions, le plus souvent imaginaires, de sacrée, de haute et de basse littérature. Elle a surtout l’avantage de se trouver à égale distance du passé et du temps présent en pleine explosion des moyens modernes de production, de communication et d’intercommunication. Ce sont là autant d’atouts qui la prédisposent à pouvoir accompagner l’homme dans ses visions présentes et futures.

A. A.

Partager