Le FFS menace, le RCD abdique

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Après l’assassinat de Guermah Massinisa et la colère exprimée bruyamment et avec une violence inouïe par la population de la région, les partis que l’on dit le mieux implantés en Kabylie ont tenté – certes différemment – de gérer la situation, sans jamais réussir. Ainsi l’on se rappelle que le FFS avait rameuté ses cadres, et a même organisé une marche, dans l’espoir de canaliser le mouvement de contestation. Entreprise vaine, puisqu’il fut vite débordé par la masse de jeunes émeutiers et son discours dépassé et caduc face au drame vécu.Le parti d’Aït Ahmed, après cette tentative, fera son deuil et classera les archs dans la catégorie des “agents” et autres acteurs de “la normalisation de la Kabylie”.Le FFS n’aura ainsi aucune emprise sur les événements du “Printemps noir” et les subira, tétanisé par l’ampleur de la mobilisation autour des délégués du Mouvement citoyen. Le RCD, quant à lui, après avoir jugé que les événements n’étaient qu’un chahut de gamins, tentera dans une deuxième phase “d’accompagner le mouvement”.N’ayant pas réussi à le récupérer et/ou le phagocyter, le parti de Saïd Sadi, inventera “l’aile anti-dialoguiste” dans laquelle se regrouperont ses militants et sympathisants. On sait aujourd’hui ce qu’est devenue cette aile, nonobstant quelques apparitions médiatiques.Ainsi le “Printemps noir” a non seulement démontré que les partis implantés en Kabylie étaient coupés des populations, pour n’avoir rien vu venir, mais également leur incapacité organisationnelle et politique à jouer le rôle d’avant-garde d’une révolte citoyenne.Devant cet état de fait, le FFS et le RCD ont fait le dos rond en attendant que l’orage passe. Dans l’état critique, les deux structures qui rejettent les archs n’ont pu s’unir ni concevoir de stratégie commune afin de récupérer leur bastion perdu. Mais au contraire, le fossé s’est davantage creusé entre les deux formations, notamment à l’occasion des consultations électorales de 2002. Le parti d’Aït Ahmed contre l’avis des archs et de la population ira à ces élections et présentera son argumentation, au moment où le RCD traitait les candidats du FFS de “traîtres de la Kabylie”.Que sont-ils devenus trois ans après ?Après ce qui précède, les partielles de jeudi nous renseignent sur l’évolution de ces deux formations. Le FFS, qui a repris tant bien que mal du poil de la bête, ne veut pas rater l’occasion de réaffirmer ou de confirmer son poids dans la région. Il sort son artillerie lourde en envoyant dans les coins les plus reculés ses hauts cadres, tels que Karim Tabou, Ali Laskri, Ahmed Djedaï et autres Mustapha Bouhadef. La parti d’Aït Ahmed tout en sachant qu’il ne raflera pas la mise, espère néanmoins – quel que soit le score – être labelisé premier parti en Kabylie.L’enjeu pour lui, dans cette élection, n’est pas le nombre de sièges qu’il rempotera, mais bien celui de remporter plus que tout le monde.Le RCD, quant à lui, pas dupe des chances infimes qu’il a pour réaliser un score honorable, se prépare déjà à endosser le costume de victime.Mis à part le chef qui fera quelques meetings, les membres de la direction nationale du RCD ont pris congé durant… la campagne électorale. Cette désertion est motivée surtout par la non-mobilisation constatée autour des listes du parti. A partir de ce constat, le chef du RCD est décidé à jouer la carte de l’extrémisme en tirant à l’emporte-pièce sur la DGSN, le DRS, les chefs de daïra, les partis politiques, les archs… A défaut de gagner une élection, Sadi veut se forger l’image du 1er opposant. Et quoi de mieux pour acquérir cette image, que de s’opposer… à tout le monde.La dernière consultation électorale à laquelle le RCD a participé date de 1997. Et Sadi revient comme si de rien n’était, oubliant qu’en l’espace de huit (08) années, la Kabylie a subi de profonds changements.Il charrie ainsi l’image de l’opposant qui a fait de la prison, et ne trouve pas assez d’humilité pour avouer que son sacrifice ne pèse pas lourd devant celui des 126 jeunes fauchés durant le Printemps noir.Le FFS et le RCD qui ne sont pas dupes ou inconscients, savent – ou découvrent – que la Kabylie a subi de profondes mutations et que leur poids d’antan a perdu de la valeur dans la société.Tous deux se félicitent des résultats obtenus par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale le 29 septembre et tentent de revendiquer le faible taux de participation. Tous deux sont d’accord pour dire que la Kabylie a boycotté la Charte, et tous deux n’évoquent aucunement la fraude le 29 septembre.Et pourtant, le “pouvoir” était seul dans les bureaux de vote ce jour-là, puisqu’il n’y avait pas de représentants de partis. Mais ce qui était valable le 29 septembre dernier ne le serait plus le 24 novembre prochain. Avec en prime, les représentants des candidats qui seront présents jeudi dans les centres et bureaux de vote. Alors “billah allikoum”, comment se fait-il que l’administration n’a pas pu frauder le 29 septembre dernier, en étant seule maître à bord, et le pourra-t-elle jeudi avec votre présence massive ? On évoque des déplacements d’électeurs vers la Kabylie le jour du vote. Si l’on peut concéder la faisabilité de la chose dans les grandes villes, comment un étranger peut-il aller voter dans une école à Bouhinoune, Frikat, Akkerou ou Zoubga sans que les surveillants des bureaux (originaires du village) ne s’en aperçoivent ?Allons, messieurs, tout cela ne fait pas trop sérieux. Jeudi prochain, la Kabylie ira voter sur les candidats qu’elle estimera à même de défendre ses intérêts et développer la région.Le jour du scrutin, les partis politiques ne récolteront que ce qu’ils ont semé et cela ne fait pas trop fair-play d’invoquer des gris-gris parce que le blé n’a pas poussé.

Chérif Amayas

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