Grandes ambitions pour la politique de la Ville

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La mission de rendre la ville «vivable’’, conviviale, moins stressante pour ses habitants et pour ceux qui viennent y passer quelques heures ou quelques jours, revêt une importance capitale dans l’Algérie du début du nouveau millénaire.

Cinquante et un ans après l’Indépendance,  l’échec urbanistique et architectural se lit sur toutes les façades «parabolées», sur les immeubles froids et sans âmes et dans les rues boueuses ou poussiéreuses qui n’arrivent même pas à prendre un nom. L’état de nos villes a fait l’objet, lundi dernier, d’un décryptage fort éloquent lors de l’émission ‘’Questions d’actu’’ de Canal-Algérie qui a invité le ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de la Ville, Amara Benyounès, en compagnie de deux architectes. Il est vrai que le diagnostic de l’échec de la gestion des villes algériennes et les perspectives de redressement d’une telle situation peuvent faire l’objet de plusieurs livres, tant la chute aux enfers est grave et dure depuis plusieurs décennies, c’est-à-dire depuis que le tissu de la ville coloniale et de la médina arabo-berbère a commencé à être «trituré» dans tous les sens par tout le monde, à commencer par les habitants eux-mêmes et les nouveaux habitants venus d’horizons divers suite aux différents exodes qu’a connus la campagne algérienne. Le gouvernement comportait en son sein, dès le début des années 2 000, un ministère délégué à la ville, poste occupé à l’époque par Abdelhamid Boukerzaza. Cependant, il apparaît clairement qu’il ne suffit pas de calquer les structures administratives telles qu’elles existent sous d’autres cieux, en particulier l’Europe, pour voir l’objet de leur mission se réaliser comme par ‘’enchantement’’. Le ministère délégué a donc été tout simplement supprimé pour laisser place aux structures traditionnelles (APC, directions de l’urbanisme,..) qui mènent leurs «barques’’ dans une espèce de «mésintelligence’’ bien chevillée. Amara Benyounès déplore cette situation où il n’y a pas de véritable réceptacle des grandes décisions relatives à la gestion de la ville. Le management a fait visiblement défaut. Il explique que le nouveau poste de la Ville, compris dans l’organigramme du gouvernement Abdelmalek Sellal, est justement l’organe tout désigné pour servir de «pilote’’ à cette mission de grande envergure. Envergure tirée vers le haut par l’ambitieux programme des «villes nouvelles’’, qui a pris son envol depuis une décennie. Même dans ce programme, devant tirer les leçons de la mauvaise gestion des extensions urbaines des années 70 et 80, des erreurs ont été commises. Benyounès a eu l’occasion de le faire savoir pour ce qui est de la ville nouvelle Ali Mendjeli de Constantine, un agrégat fait pour 200 000 habitants et, apparemment, extensible à souhait. Sur les lieux mêmes de cet amas de cités, il dira que c’est une «catastrophe». Des cubes de béton, une addition froide d’appartements sans équipements sociaux, culturels ou récréatifs. Les locataires de cette ville, venus des communes environnantes, parfois de plus loin, n’ont pas d’affinités préétablies. Apparemment, ils seront condamnés à ne pas en avoir, même en vivant ensemble, du fait que, en dehors des appartements où ils entrent la nuit, aucune structure de détente, de loisir et de véritable présence en commun ne les rassemble. Bouinane, Sidi Abdallah, Boughezoul, sont des exemples d’autres villes nouvelles où le gouvernement compte mener une autre politique urbanistique, architecturale et environnementale, basée sur la rationalité la convivialité le savoir-vivre et le principe du «vivre-ensemble». Contrairement à d’anciens programmes de logements où sont ‘’parqués’’ les Algériens par appartenance sociale (logement social, LSP, promotionnel,…), le ministre de la Ville plaide pour une véritable mixité sociale, source d’intégration et de fertile communication sociale. Les politiques sectorielles, menées actuellement sous l’intitulé d’ «amélioration urbaine’’ sur les grands boulevards et les ruelles des villes, ne semblent pas donner tous les résultats escomptés. Les types d’interventions et les normes peinent à faire valoir une quelconque rationalité basée, comme partout dans le monde, sur la dimension de la ville, la nature de son bâti architectural, sa situation géographique, topographique et écologique, ainsi que son importance démographique et sur d’autres critères qui s’appuieraient sur une vision intégrée du cadre de vie (esthétique des ouvrages, fluidité des rues et artères, fonctionnalité de tous services connexes). Le commerce informel a achevé ce qui demeurait encore de beau et de spacieux dans nos villes. Trottoirs et places publiques sont squattés par des revendeurs sans titres. Le gouvernement Sellal a entrepris en septembre 2012 une action d’éradication du commerce informel. L’opération a réussi partiellement dans certains quartiers et a trébuché ailleurs. En tout cas, elle requiert le concours de plusieurs secteurs, dont celui du Commerce qui a promis des marchés couverts de proximité aux jeunes qui occupent la rue et les places publiques par leurs tables et étals. Réhabiliter la ville, sous tous ses aspects: urbanisme, architecture, culture, vie en société mémoire, histoire&hellip,; participe immanquablement d’une œuvre grandiose, celle de la consécration de la vie en commun, du renforcement de la solidarité entre habitants de la même ville et de la formation de la citoyenneté.

A.N.M.

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