Par Amar Naït Messaoud
Le paysage politique dans notre pays acquiert de moins en moins de visibilité à mesure que se bousculent les échéances, ardemment attendues par les citoyens. De nouveaux horizons qui nous feraient oublier un passé fait d’hésitations et de longues et répétitives transitions. Ces dernières, les Algériens en ont vu des courtes et des longues, mais qui, toutes, traînent le pas et refusent, depuis 1989, de déboucher sur quelque chose de solide, qui soit à la hauteur des enjeux planétaires et des aspirations profondes des populations. L’engrenage duquel peine à s’extraire le pays a installé une certaine paresse intellectuelle qui a engourdi l’intelligence et fait raviver les appétits rentiers et mafieux. Après tant d’épreuves vécues depuis la grande explosion d’octobre 88, cela fait un quart de siècle, où se sont succédé toutes les tentatives du système de survivre à sa propre faillite et où se sont libérées les forces du mal à travers le terrorisme islamiste, la conjoncture actuelle voit se liguer des calculs d’intérêts étroits et de fumeuses spéculations contre ce qui peut et doit être considéré comme la marche normale de la société et des institutions. Le terrible parcours de l’Algérie depuis l’Indépendance, fait d’autocratie, de clientélisme et de contrôle étroit de la société a malheureusement fait que des devises du genre de celle arborée ostensiblement un certain 19 juin 1965 à la radio par le colonel Houari Boumediene, à savoir « construire un état qui survivre aux hommes et aux événements », deviennent presque des vœux pieux. Certes, les ressorts de la société algérienne ont pu agir et rebondir lorsque le pays a été menacé dans ses fondements par l’hydre intégriste pendant plus de dix ans; mais, à chaque fois, la fragilité des institutions et de l’économie, qui se greffe à un effarant déficit culturel, se fait voir davantage au point de jeter un épais brouillard sur l’avenir immédiat. Alors qu’en arrivant à la tête de l’État en 1999, Abdelaziz Bouteflika se présentait, et était aussi regardé comme un président qui allait inaugurer la fin d’une longue transition, des voix nous font aujourd’hui, quatorze ans après, « miroiter » une nouvelle transition. Ces voix, qui prennent le soin de se faire relayer par des titres de la presse écrite, se donneraient pour mission de fermer le jeu politique sans que l’on soit totalement édifié sur l’état de santé du Président de la République. Même si un empêchement sérieux intervenait, conduisant vers la mise en application de l’article 88 de la Constitution, que gagnerait-on à faire durer encore la transition face à un monde libéral qui bouge, évolue, festoie dans son arrogance technologique, cherche des marchés pour son économie en crise et montre chaque jour sa supériorité géostratégique? » Dire des politiciens qu’ils font du cinéma, c’est dire du mal du cinéma », entonne dans une belle gouailleuse raillerie la célèbre actrice Jeanne Moreau. Elle s’en prend à une »profession », la politique, dont les acteurs et les leaders sont moins connus pour leur loyauté et leur intégrité que pour les calculs sibyllins et les intérêts qui irriguent leur entreprise. Si des exceptions existent, elles sont bonnes pour confirmer la règle. Il se trouve que, en Algérie, ce « péché mignon » du corps politique, le poussant à user et abuser d’un machiavélisme de haute voltige, est goulûment sustenté par la tendance rentière de l’économie nationale que n’arrivent pas encore à démentir les quelques tentatives réformatrices, plus criées que réellement pratiquées. Une telle situation, greffée à un intégrisme religieux rampant, et que reconnaît même le ministre des Affaires religieuses, donne une étrange et explosive mixture qui fait perdre les repères aux plus avertis des citoyens. Sommes-nous condamnés à voir les promesses de réformes politiques et la décisive échéance des présidentielles de 2014 traînées dans la gadoue d’un nouveau réaménagement qui ferait fi des aspirations profondes du peuple au changement ? Ceux qui se disent être « porteurs » du projet de la deuxième République, sans une assise claire et sans un quelconque prolongement dans la société réelle, et ceux qui ne jurent que par un « Printemps arabe » qui ferait leurs affaires interlopes, mesurent sans doute mal les enjeux et seraient plus enclins à pêcher en eaux troubles qu’à vouloir tracer un grand dessein pour l’Algérie.
A. N. M.